Chapitre 14 : Bibliothèque

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D'un mouvement agile, Adrien évita le tonneau qui dévalait la rue, avant de se déporter sur le bord de la route. Un amas de planches faisait office de trottoir. Tentant maladroitement de le suivre dans cet enchevêtrement de ruelles sans fin, Edouard butta contre une latte défaite et se prit les pieds dans le malheureux cylindre de bois. Il sentit son corps basculer. Dans un élan désespéré, il tendit le bras en avant et se rattrapa de justesse sur une espèce de gouttière en taule. Un liquide visqueux en découlait. Dégouté, le jeune prince lâcha aussitôt prise, avant de se caler contre le mur. Il était épuisé, perdu. Complètement déboussolé. L'odeur putréfide de la rue lui montait au nez, tandis que les gargouillis et autres beuglements des passants l'étourdissaient. Il ne savait plus où donner de la tête. Toutes ces choses, tous ces éléments nouveaux... Tout cela le répugnait autant qu'il l'intriguait. Cette petite vieille coiffée d'un châle portant un lourd panier, ce chat miteux et gras qui se prélassait dans la poussière... Tout. Un soudain claquement de mains le tira de ses pensées. Il redressa la tête.

- Ouah... s'exclama une voix faussement admirative. Je crois que c'est la première fois que je te vois ne pas te casser la figure... C'est hyper impressionnant !

Adrien, le corps adossé contre une porte de bois décrépite, fixait le jeune noble d'un air moqueur, la tête légèrement penchée sur le côté. Une de ses mèches sombres lui retombait sur le nez. Edouard le considéra un instant sans comprendre, puis se décolla du mur. Un faible sourire étirait ses lèvres.

- Euh je... Ouais, bafouilla-t-il d'un air mal-assuré, C'est le talent.

Le noiraud ouvrit de grands yeux surpris, puis éclata de rire. Edouard rougit. Ce n'était pas vraiment dans ses habitudes de prononcer des choses comme cela. Non. En général, il préférait se taire et hocher bien gentiment la tête. Glissant une main maladroite dans ses cheveux, il fit un pas vers le garçon. Mais ce fut sans compter sur le fourbe tonneau qui continuait à jouer son numéro de salsa sur le sol. Sans comprendre ce qu'il lui arrivait, Edouard se retrouva les quatre fers en l'air, la tête enfoncée dans la gadoue.

Les rires du noiraud redoublèrent. Edouard pesta. S'aidant de ses mains il se releva. Son visage était devenu noir. Et il empestait. Un vrai prince ! Passant une main sur son faciès, il retira la couche de terre odorante qui obstruait sa peau. Il devait faire peine à voir. Et puis cette texture pâteuse l'écoeurait. Une grimace exagérée peinte sur la figure, il secoua vivement la main avant de poser son regard sur le noiraud. Ce dernier l'observait en souriant, les bras nonchalamment croisés sur son torse. Il lui adressa un clin d'oeil en se redressant puis se retourna, ouvrant grand la porte contre laquelle il était adossé.

- Aller viens, homme talentueux, on est arrivé.

Décollant les derniers morceaux de terre qui lui collaient au menton, Edouard réduisit la distance qui les séparaient et le suivit à l'intérieur de l'habitacle. Il faisait sombre. L'air était étouffant et poussiéreux. Pesant. Le jeune prince plissa les yeux, cherchant à discerner quelques semblant de formes dans cette obscurité trop soudaine. Les sourcils froncés, il suivait du regard le corps frêle d'Adrien qui se mouvait entre des meubles. Prudemment, il tenta de le suivre mais son pied heurta un obstacle. Il étouffa un juron.

- Aye Randalf ! s'exclama soudainement Adrien. Où te cache-tu encore vieux fou ? Je viens t'apporter ton colis !

Un lourd fracas se fit entendre dans le fond du baraquement. Edouard sursauta. Ses yeux commençaient peu à peu à s'habituer à l'obscurité. La pièce n'était pas bien grande, une vingtaine de mètres carrés tout au plus. Partout, les murs étaient couverts d'étagères qui grimpaient jusqu'au plafond. Sur les planches avaient été entassés une quantité innombrable d'ouvrages et de parchemins. Le jeune prince  baissa les yeux. Au centre de la pièce, jonchant des tables poussiéreuses et le plancher miteux, des papyrus et des bouquins se prélassaient, grands ouverts. Une odeur de vieux papier et d'encre âcre emplissait l'espace.

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant