Edouard dévala les marches du grands escaliers et entra en hâte dans la grande salle du trône. Les mains croisées dans le dos, son père fixait un point inconnu de l'autre côté de la barrière de verre, son éternel air sévère gravé sur le visage. Entendant les pas de son fils, il pivota lentement sur lui-même, faisant crisser ses talons sur le carrelage. Son regard dur se posa sur son fils. Le jeune homme s'arrêta à quelques mètres de lui, baissant les yeux. Il redoutait la tempête.- Toujours aussi ponctuel à ce que je vois...
« Toujours aussi chaleureux à ce que je vois. » songea le prince en serrant les dents.
- Père, je suis désolé, tenta-t-il de se justifier, je...
- Tais-toi, le coupa sèchement le roi en le fusillant du regard, je n'ai que faire de tes explications et de tes excuses.
Le prince se résigna et ferma la bouche, dépité. Mais il ne se plaignit pas. Il était habitué à ce genre de commentaire. Ces piques incessantes et permanentes que lui envoyais son père. Cela ne le blessait même plus. Non. Il ne ressentait rien. Il était fatigué, rien de plus. Epuisé de devoir constamment subir et essuyer la colère du souverain.
D'un air exaspéré, le roi le toisa quelques instants derrière ses épais sourcils puis se dirigea d'un pas lent vers l'imposant siège de pierre qui trônait majestueusement au centre de la pièce. Poussant un lourd soupir, il s'assit et posa ses coudes sur les accoudoirs de marbre. Un silence pesant s'installa dans la pièce. Ni l'un ni l'autre ne prenait la parole, chacun essayant de juger l'humeur de l'autre. Le prince hésita quelques instants en se triturant les doigts, puis se dirigea finalement à son tour vers le siège qui lui était attitré. D'un mouvement rapide de la main, le roi lui fit comprendre qu'il devait rester là où il était.
- Je ne t'ai pas fait venir pour que tu te reposes encore, dit-il d'un ton sec. Je sais que cela est sans aucun doute la seule chose que tu sache faire, mais j'aimerais que tu fasses un effort, au moins aujourd'hui... si cela n'est pas trop demander à son excellence ?!
Le prince grinça des dents et croisa ses mains sur son torse, ne savant où les mettre. Son excellence ? Il était loin d'être excellent... Le roi lui lança un dernier regard chargé de haine puis, sans pour autant délaisser son allure royale, vint lentement adosser son dos contre le marbre du fauteuil. Ses yeux gris se perdirent quelques instant dans l'immensité du plafond.
- Tu me désespère... lâcha-t-il finalement de sa voix dure. Et cela me désespère encore plus de l'admettre mais tu es ma dernière chance.
Edouard hocha timidement la tête. Il était sa dernière chance. Oui, cela il le savait. Et il en était fier. Malgré toute la haine que son père lui crachait jour après jour au visage, il était fier de pouvoir enfin être utile. La simple idée que son paternel comptais enfin sur lui, prenait conscience de ses atouts... cette simple pensée le rendait heureux.
De l'autre côté de la gigantesque baie vitrée, des dizaines de domestiques s'activaient dans les jardins. Ils transportaient des tables, des pots, des mets... Certains, agenouillés dans la terre, s'occupaient à redorer les parterre de fleurs tandis que d'autre déroulaient un épais tapis de velours dans l'allée centrale. Tout le palais était en ébullition. On aurait dit une véritable fourmilière. Le prince n'avait pas vu autant d'animation et de vie dans ces grands couloirs froids depuis des années. Et pour cause, aujourd'hui, la princesse Eléonore D'Albinos allait pour la première fois rendre visite au royaume de Troye. Et cette rencontre allait être décisive pour la survie du royaume.
Pour assurer la réussite de cette entrevue fatidique, le Roi avait dépensé des sommes astronomiques. Il avait doublé le personnel du château, commandé les meilleurs produits et les plats les plus délicieux. Les caisses du royaume criaient au désespoir mais le monarque ne s'était pas arrêté là la liste des sacrifices, au contraire. Rien ne devait venir gâcher cette journée qui se devait parfaite. L'imposante demeure royale avait été nettoyée et rénovée de fond en combles. La plus petite marche, le plus insignifiant des carreau s'était vu octroyer un soin tout particulier. Rien n'avait été laissé au hasard. Rien.
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Un prince presque charmant
RomanceÉdouard est le prince du royaume de Troye. Un prince tout ce qu'il y a de plus banal. Beau, riche, pourri gâté... bref, banal. Enfin, a quelques détails près... car son père le déteste et son royaume court à sa perte. Mais tout va bien. Oui tout va...