Chapitre 21 : Confrontation

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La porte s'ouvrit dans un fracas assourdissant. Aussitôt le garçon s'arrêta de jouer. Des tremblements nerveux s'étaient emparés de son corps. Une terreur immense qui se répandit dans ses veines pour venir empoisonner son âme. Elle était là. Cette colère, cette rage incontrôlable. Il les entendait venir, ces battements effrayants, ces coups redoutables, ce grondement impitoyable. Ils arrivaient. Ils se rapprochaient. Vite. Trop vite. Une perle d'angoisse glissa le long de son cou. Ils venaient le détruire, le briser, l'anéantir. Encore une fois. Il n'aurait pas dû. Non. Il n'aurait pas dû. Ils étaient là.

- Ne t'ai-je pas déjà dit que je ne voulais pas t'entendre ?!! tonna une voix terrible derrière lui.

Le garçon trembla de plus belle. Son visage blêmit. Sans qu'il n'eût le temps de se retourner, une main sévère se posa sur le bois de l'instrument pour brutalement le lui arracher des doigts. Un mouvement sec et féroce qui le projeta aussitôt sur le sol. Sa petite tête brune vint violemment cogner le bois dur de l'étagère.

- Edouard ! s'exclama la femme en se précipitant à ses genoux. Edouard juste ciel, tu m'entends ?!

Les mains toujours tremblantes, le cœur paralysé par la peur, le jeune prince ouvrit une paupière. Penché au-dessus de lui, le regard vert et rassurant de Madeline parcourait son visage. Une ride d'inquiétude rongeait ses traits d'habitude si doux. Glissant une de ses mains sur sa joue, l'autre derrière sa nuque, elle l'aida à se redresser. Ceci fait, elle se retourna vers l'homme qui se tenait derrière elle, debout et menaçant. Ses yeux brulaient de colère.

- Je vous en prie Monseigneur, ce n'est qu'un enfant !

Le visage de l'homme se tordit dans une grimace effrayante.

- Je n'ai que faire de tes jérémiades pauvre folle ! Gronda-t-il en s'approchant d'eux. Ce n'est pas un enfant, c'est un prince !

- Mais tout est de ma faute mon roi, je...

- Tais-toi ! mugit le roi en s'emportant de plus belle. JE suis le roi et ceci est MON royaume ! MON palais ! J'AI donné un ordre et JE compte bien le faire respecter ! Pas de musique ! Pas de bruit ! Je ne veux pas l'entendre ! Ni maintenant, ni jamais ! Est-ce clair ?!!

Une nouvelle vague de tremblements s'empara du corps du jeune garçon. Pétrifié de terreur, il avait agrippé le bras potelé de la cuisinière. Son cœur semblait vouloir se briser dans sa poitrine. Il menaçait d'éclater tant il battait fort. Plus aucun de ses sens ne voulait lui répondre. Aucun. Il n'y avait plus que cet homme, titanesque, qui fulminait devant lui. Cette colère atroce qui se déversait dans la pièce. Ce regard de dégout et de rage qui ne le quittait pas. Et cette peur, dans ses veines, toujours plus grandissante.

Le roi baissa un instant son regard terrible sur l'instrument qu'il serrait dans sa main. Un éclair féroce vint foudroyer ses pupilles. Crispant sa mâchoire dans un rictus monstrueux, il serra le poing. Les jointures de ses doigts blanchirent, les muscles de son bras se tendirent, jusqu'à ce qu'un crissement déchirant retentisse dans la pièce. Le violon se brisa du même coup.

Le temps s'arrêta brutalement. Toujours assis sur le sol, les mains crispées sur les vêtements de la femme aux cheveux roux, Edouard vit les morceaux de bois tomber sur le sol. Un à un. Dans un silence terrifiant. Son cœur avait cessé de battre. Son souffle avait cessé d'être. Tout son être s'était soudainement figé, brisé avec l'instrument. Il n'y avait plus rien. Rien. Seulement quelques pièces de bois sur un parquet. Les fragments misérables d'un cœur d'enfant.

Une main vint se poser sur son épaule, pressant son torse contre une masse chaude. Madeline. Un retour brutal à la réalité. Il battit des paupières.

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant