Chapitre 16 : Isabelle

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«Holà, me llamo Edouard y soy el príncipe del Reino de Troye.»

Assise aux côtés du prince, son châle doré flottant sur les épaules, Eléonore battit des mains avec bonheur. Un sourire enjoué étirait ses lèvres roses.

- Sììì ! s'exclama-t-elle ravie, Bravo ! Es perfecto !

Edouard se senti rougir. Un inhabituel frisson de triomphe s'était emparé de lui, gonflant dans sa poitrine, comme une bulle insolente de fierté. Il avait réussi à dire une phrase. Complète. Parfaite. Il n'en revenait pas lui-même. Tournant son visage béat vers la princesse, il lui adressa un sourire victorieux. Cette dernière, les yeux pétillants de malice, retins un léger rire. Elle joignit maladroitement ses mains contre sa poitrine et dandinât quelques peu ses épaules, se rapprochant du jeune noble.

- Es muy impresionante señor, muy impresionante... prononça-t-elle tout en hochant la tête de satisfaction. Desde algunos días, usted va a volverse en un verdadero hispánico !

À ces mots, le sourire du prince disparu aussitôt et il fronça les sourcils. Hein ? Que venait-elle de baragouiner ? Il n'avait strictement rien compris. Rien de rien. Prenant conscience de son trop soudain emportement, la princesse écarquilla les yeux pour plaquer sa main contre sa bouche, puis éclata d'un rire joyeux. Son regard brillait d'une malice nouvelle et ses pommettes rougirent de plaisir. Elle se mordilla le doigt pour calmer ses éclats de voix, puis reconcentra son regard sur le jeune prince qui la fixait d'un air perdu.

- Ce que j'ai voulu dire, déclara-t-elle finalement en éclaircissant sa gorge, c'est que vous vous en sortez merveilleusement bien pour une première leçon. Ce ne sont certes que des bases rudimentaires pas bien compliquées, mais l'accent est là, et vous semblez avoir parfaitement tout compris. C'est excellent, vraiment !

Edouard la scruta quelques instants, ne savant s'il devait se réjouir ou au contraire tomber en pleurs devant cette nouvelle. Il savait dire trois phrases. Trois pauvres malheureuses phrases. Pour quelqu'un qui ambitionnait de mener des conversations folles et endiablées en société, du moins avec un individu en particulier de cette société, on était loin du compte. Surtout qu'il n'avait pas été fichu de comprendre un mot de plus. Deux ridicules petites phrases et le voilà perdu. Ah, il était bien loin le grand et étincelant prince de Troye.. ! Mais l'accent était là, youpi.

Relevant la tête, il fit disparaître ses mauvaises pensées et adressa un sourire ravit à la princesse. Cette dernière le fixait avec des yeux brillants, emplis d'espoir. Ses petites mains trifouillaient avec anxiété les pages du carnet posé sur ses genoux.

- Ce que vous me dites là m'enchante, vraiment, assura-t-il d'une voix claire. Pour tout vous dire, je me sens déjà un autre homme.. ! Quelques miettes de vos précieuses leçons et me voilà transformé ! Comme si du sang hispanique avait depuis toujours coulé dans mes veines. Ayeyayeyaye ! Holà !

Il termina sa phrase en se relevant subitement, droit comme un i, claquant les talons de ses bottes l'un contre l'autre. Surprise, Eléonore ouvrit de grands yeux ronds, puis laissa échapper un nouvel éclat de rire. Elle vint vivement placer sa main devant sa bouche, pour cacher à la vue du jeune prince la blancheur insolente de ses dents à présent dévoilées au grand jour. Edouard se senti rougir. La chaleur lui montait au visage. Une grimace maladroite vint étirer ses lèvres et il baissa le crâne, il ne voyait pas d'autre explication... Tout d'abord il exposait à la princesse ses talents misérables de linguistiques, puis il se lançait dans des envolées clownesques pathétiques... Comment voulait-il avoir l'air d'un prince un tant soit peu charmant à présent ?!

- Quelle interprétation charmante ! articula la princesse entre deux rires poliment contenus. Il ne manquait plus que le taureau et le bruit si particulier des castagnettes et je m'y serais crue !

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant