Chapitre 22 : Thibault Le Mal-Aimé

1.8K 180 55
                                    


« Mon ami, vous progressez de jours en jours, c'est impressionnant ! Vous avez un véritable don ma parole ! »

Un sourire réjoui sur le visage, Éléonore se leva en battant des mains. Ses yeux pétillaient avec bonheur. Laissant échapper un petit cri joyeux, elle contourna rapidement la table. Face à elle, Edouard s'agrippa à ses feuilles. Un peu plus et il aurait cru que la jeune fille l'embrassait. Mais il n'en fut rien. Non. Le visage éclatant d'une pointe d'espièglerie mal contenue, la princesse vint dessiner de sa plume un petit visage satisfait sur les cahiers du prince, avant de se tourner vers lui pour tirer malicieusement ses joues. Le jeune noble sursauta.

-    Mademoiselle Irma me félicitait toujours de cette manière après une de nos leçons, s'amusa la jeune femme en se redressant. Elle me m'appelait même « su pequeña muñeca de azúcar ».

Un gloussement maladroit s'échappa de sa gorge. Un sourire coquin sur les lèvres, Éléonore se pencha de nouveau vers le prince qui la fixait de ses grands yeux étonnés, puis tapota gentiment sa tête.

-    Voulez-vous devenir mi pequeña muñeca de azúcar très cher Prince ?

Edouard eut une mine renfrognée et libéra ses boucles brunes de l'emprise friponne de la main de la princesse. Cette dernière se redressa en riant. C'était un rire léger et clair. Un rire qui emplit doucement la pièce pour venir bercer le cœur néanmoins ravi du futur monarque. Il releva la tête vers sa promise.

-    Une poupée de sucre ? Vraiment ? s'indigna-t-il. Quel cruel manque d'originalité.

À ces mots, la jeune femme pivota sur elle-même, une moue boudeuse sur le visage.

-    Vous êtes un rabat joie mon ami. Sachez que j'étais très fière de ce surnom à l'époque.

Le prince eut un sourire. Il pencha la tête sur le côté, refermant de sa main droite le cahier grand ouvert qui trônait devant lui.

-    Ah mais je n'en doute pas un seul instant Très Chère, minauda-t-il. Ce surnom vous va même à ravir. Mais laissez-moi tout de même remarquer que comparer une jeune fille de votre rang à une poupée, qui de plus est en sucre... cela relève d'un paroxysme inacceptable !

Croisant les bras sur sa poitrine, Éléonore haussa un sourcil amusé avant de passer un bref coup de langue sur ses lèvres. Son regard coula vers le jeune noble.

-    Vous venez définitivement de détruire les derniers souvenirs d'enfance qu'il me restait, lâcha-t-elle avec fatalité. Mais vous avez tristement raison mon ami... Enfin, je tiens à préciser que ce n'était qu'une simple domestique et moi une enfant solitaire, alors à nous deux ce surnom, que vous trouvez odieux, nous convenait parfaitement !

Un rire s'échappa discrètement de la gorge du prince. D'un air entendu, il hocha solennellement la tête sans oser ajouter un mot de plus à la jeune fille. Son espièglerie, ses sourires taquins, les remarques délicieuses qu'elle s'amusait à lui faire ; tout cela le ravissait. Il était charmé par cette personne pleine d'esprit et d'humour qui se dévoilait sous ses yeux. Enchanté de la voir se révéler chaque fois un peu plus. Elle n'en devenait que plus belle, plus brillante, plus merveilleuse.

Cela faisait maintenant plusieurs jours qu'Edouard et la princesse s'enfermaient pendant des heures dans la grande bibliothèque du palais. Plusieurs jours qu'ils passaient la majeure partie de leur temps à discuter et à se découvrir l'un l'autre. La jeune femme s'appliquait à lui enseigner la langue hispanique, tandis qu'Edouard se réjouissait d'apaiser son âme et son esprit à coup de notes sur un clavier. Petit à petit, une complicité avait naquit entre eux. Sans pour autant retirer totalement le masque qui occupait leurs visages, les deux jeunes gens en avaient fait tomber quelques morceaux. Leurs échanges n'étaient plus teintés de cet horrible malaise, mais d'un bonheur inespéré. Ils se retrouvaient tous deux dans les cicatrices de l'autre. Les regards fuyants, les sourires douloureux, cette blessure au fond de l'âme. Ils étaient comme deux faces d'un même miroir. Deux êtres liés par une existence cruelle.

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant