Chapitre 3: les chevaux albinos

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Elle était là.

Le prince se redressa aussitôt, faisant claquer son épée contre la pierre froide. Enfin, sa chance était arrivée. Oui elle était là, juste devant sa porte. Pour lui. Et il ne devait pas la laisser s'échapper.

Anxieux, il passa une main furtive dans ses cheveux, rappelant à l'ordre quelques boucles rebelles, puis il sorti de la salle d'un pas rapide. Le page s'écarta à son passage, pour timidement lui emboiter le pas. Le cœur battant, Edouard traversa le grand hall à présent luxueusement orné de fleurs et de statues, et rejoignit son père en haut des grandes marches du château. L'air frais du printemps vint emplir ses poumons et caresser sa peau. Mais cela ne calma pas pour autant la tornade qui s'était emparée de son esprit. Tous les muscles de son corps étaient tendus.

En le voyant arriver, le roi lui lança un regard sévère. Droit comme un i, les bras plaqués le long de son petit corps, le monarque avait les allures d'un écolier devant son maître. Préoccupé. Et stressé surtout. Le prince pouvait sentir la peur et l'angoisse émaner de son petit corps, comme si l'air en était saturé. Après avoir fusillé son fils du regard pendant quelques secondes, le souverain détourna les yeux pour se concentrer de nouveau sur le carrosse qui se tenait devant lui, quelques marches plus bas.

Nullement décontenancé par l'attitude de son paternel, Edouard n'avait pas quitté du regard l'étrange convoi qui s'était arrêté à ses pieds, dans la cour sableuse du château. Et pour cause, un détail peu commun attirait son attention. Hypnotisé. Ce spectacle de la nature vint captiver ses pupilles. Il faut dire que les quatre chevaux qui trônaient fièrement en tête de cette caravane avaient la fascinante particularité d'être complétement blancs, avec de splendides diamants rouges à la place des yeux. Il n'en avait jamais vu de semblables. Des chevaux albinos.

Ce n'était pas totalement illogique venant du royaume d'Albinos, mais cela en restait incroyablement fascinant. Ces créatures étaient une des plus grandes fierté du roi Phill, elles en étaient même le symbole royal. Il en avait entendu parlé à de très nombreuses reprises tant ils étaient célèbres, et leur renommé n'était pas imméritée. Il ne pouvait tout simplement pas détacher son regard de leur robes immaculées. Leurs longues crinières, semblables à des cascades, retombaient lourdement sur leurs flancs. Ils hennissaient bruyamment, frappant le sol de leurs sabots recouverts d'or. On aurait pu les croire tout droit sortis d'un rêve. D'ailleurs Edouard aurait parfaitement pu les rêver. Oui, il en avait rêvé. Des chevaux de paradis.

Le son d'une trompette retenti soudainement, ramenant brutalement le prince à la réalité. Il secoua la tête. Les soldats et les gardes s'étaient docilement alignés le long des marches de marbres. L'arme au poing, ils se tenaient au garde-à-vous, fiers et droits dans leur costume bleu et rouge. Un spectacle digne d'une véritable parade militaire. Un homme en redingote grise descendit les marches d'un petit pas pressant, en vint se positionner devant le carrosse royal. Il tritura fébrilement le col de sa chemise puis, d'un geste théâtral, il déroula sous ses yeux un élégant parchemin blanc. Ses doigts dodus vinrent froisser les coins du papier. Il jeta un rapide coup d'œil à l'assemblée étalée devant lui, et après s'être brièvement éclairci la voix, il s'exclama d'une grosse voix :

- Ses majestés la reine Clotilde d'Albinos et la princesse Eléonore d'Albinos.

Aussitôt, le page qui se tenait à ses côté ouvrit en grand la portière du carrosse. Un flot de jupons et de dentelles s'en échappa aussitôt. Le prince plissa les yeux. Beaucoup de tissus mais pas l'ombre d'une princesse en vue.

Le silence s'installa dans l'assemblée. Après quelques secondes interminables où chacun retint son souffle, une main gantée de noir apparue sur la parois du carrosse. Une silhouette se dessina dans l'ouverture de la porte et un soulier se posa doucement sur le sol. Lentement, un chapeau à plume noir émergea du carrosse, et enfin une femme toute entière se matérialisa devant le fiacre.

Un prince presque charmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant