Edouard tira sur les rênes, ralentissant progressivement la course folle de son cheval. Un nuage de poussière se souleva à son passage, souillant les boucles sauvages de sa chevelure. Il avait chaud. Ses muscles étaient tendus. Sur son visage, sueur et impuretés faisaient mauvais ménage. Isabelle marqua l'arrêt. Les battements enflammés d'un cœur angoissé remplacèrent le bruit si particulier de son galop.
Plus loin aux devants, ses longs cheveux bruns balayés par le vent et le visage baigné de soleil, Éléonore avait sauté de sa monture et s'appliquait à caresser le pelage humide de la fidèle créature. Un sourire ravi illuminait sa figure. Dans le ciel, l'astre du jour commençait tout doucement à décliner.
Les deux jeunes nobles avaient cavalé pendant près de trois heures, les sabots de leurs chevaux battant avec force la terre vaste et féconde du royaume de Troye, ou tout du moins, les espaces de chasse privilégiées de la famille royale. Ils avaient remonté le fleuve Hono, chevauché par-delà les collines aux Trois Rochers, pour finalement aller se perdre dans les bois qui longeaient le palais.
Allongé sur la croupe de son destrier, le visage offert au souffle délicieux du vent, l'âme broyée par la honte et le remord, Edouard s'était progressivement abandonné aux jambes musclées d'Isabelle. Les mains fermement agrippées aux rênes et le buste plié vers l'avant, il sentait la respiration lourde de l'animal accompagner les battements de cœur excités de sa course. À ses côtés, les bras tendus et le sourire aux lèvres, Éléonore laissait exploser sa joie.
Par moment, le couple princier croisait la route de paysans aux bras chargés de panier, visages maigres et membres noueux, qui s'inclinaient respectueusement à leur passage. À d'autres, les pas de leurs montures les guidaient à la rencontre de soldats épuisés, leurs peau tannés par le soleil et leurs yeux gonflés par la fatigue, s'appliquant à surveiller l'horizon et à contrôler la circulation des routes. Leurs corps usés se courbaient davantage face au galop endiablé des futurs souverains. Les deux hommes qui les suivaient resserraient leur garde. Mais la plupart du temps, ils ne croisaient personne, et les chevaux ainsi libérés laissaient éclater leur soif d'aventure.
Edouard fit pivoter son bassin et se laissa lourdement retomber sur le sol. Ses bottes foulèrent la terre poussiéreuse dans un cliquetis métallique. Devant lui, Monsieur Jean s'entichait déjà auprès de la princesse du succès de leur promenade. Agitant avec ferveur ses mains dans les airs, la jeune femme semblait relater avec bonheur le fil de leurs hippiques aventures. Edouard détourna la tête. Sa paume coula doucement sur la croupe fatiguée de l'animal. Son regard balaya l'espace. Si son esprit avait pu se perdre le temps d'une promenade dans les paysages verdoyants de la campagne Troyenne, cette dernière terminée, l'angoisse et l'anxiété l'assiégeaient de nouveau. Une tripoté de jeunes garçons émergèrent des écuries pour venir débarrasser les nouveaux venus de leurs montures. Adrien ne se trouvait pas parmi eux.
La tristesse et la peur étreignaient le ventre du jeune prince. Il s'en voulait. Il avait besoin de lui parler, de s'expliquer. Qu'est-ce que le garçon s'était imaginé ? Qu'avait-il pensé en le voyant ainsi ? Où était-il à présent ? Edouard n'en savait rien. Rien du tout. Et cela le tuait. Retenant un soupir affligé, il se détourna vers Éléonore et Monsieur Jean. Les deux gardes avaient déjà plié bagages et une poignée de dames de compagnies aux chignons bien lissés avaient pris leur place dans l'écurie. Il fit quelques pas vers eux.
- Et si vous remontez encore un peu plus loin, vous pouvez admirer les deux pics du mont Aizu. Croyez-moi Altesse, à cette heure-ci, vous ne trouverez rien de plus beau en ce royaume !
Le rire de la jeune femme vint joyeusement tinter dans les oreilles du prince. Il s'arrêta à leurs côtés. Mais de quoi parlaient-ils ?
- Vous voulez parler du Diadème des Neiges ? renchéri Éléonore d'une voix légère, les yeux pétillant de bonheur. Oh diable oui je vous crois ! On dit qu'elle fait partie des merveilles du royaume de Troye et sans cette guerre...
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Un prince presque charmant
RomanceÉdouard est le prince du royaume de Troye. Un prince tout ce qu'il y a de plus banal. Beau, riche, pourri gâté... bref, banal. Enfin, a quelques détails près... car son père le déteste et son royaume court à sa perte. Mais tout va bien. Oui tout va...