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Je lâchai ma valise et contemplai ma chambre en prenant une grande inspiration. Ça sentait comme avant. Une légère odeur de renfermé, la lessive que ma grand-mère utilisait, l'odeur de la charpente et quelques fragrances de cuisine.

J'étais rentré à la maison.

Ma chambre m'accueillit, bien vide, elle l'avait toujours été, mon petit lit calé contre le mur, mon bureau et ma petite bibliothèque. Pas de gadgets, pas de figurines, pas de posters. Rien de spécial, à l'image même de mon existence. Vide et ennuyante. Et ça m'allait parfaitement comme ça. Il fallait que ce soit comme ça.

— Taehyung, tu viens manger ?

Je m'arrachai à cette vision et retournai dans la pièce principale. Mes grands-parents habitaient à Daegu, un peu loin de la ville. Environ quinze kilomètres. Mon grand-père était venu me chercher à la gare dans sa vieille fourgonnette qui ne possédait ni lecteur radio, ni chauffage.

Lui et ma grand-mère étaient cultivateurs et possédaient cette maison depuis toujours. Ce n'était pas du grand luxe, loin de là. On avait l'eau courante mais pas vraiment de salle de bain multifonctions, pas de clim l'été, ni de chauffage en hiver. Des portes battantes, des tatamis au sol. Une maison traditionnelle où la charpente craquait les jours de grands vents. Le voisin le plus proche était de l'autre côté du champ. Mais j'aimais cet endroit.

Je me souvenais avoir toujours adoré la nature, le silence, les courses avec le chien dans le champ de maïs, escalader les bottes de foin, nourrir les animaux, s'inventer des jeux imaginaires. Tout ça était bien loin maintenant mais j'éprouvais un calme agréable d'être de nouveau là. Ma grand-mère servit les plats, déposa les bols de riz et le kimchi puis avant de s'asseoir elle passa une main dans mes cheveux.

— Tu les as fait couper.

— Oui.

— Ça te va bien.

Elle avait vieilli, de nouvelles rides apparaissaient dans le coin de ses yeux et ses cheveux bruns avaient encore un peu blanchi. Ils avaient dépassé les soixante-quinze ans maintenant et si ma grand-mère me paraissait encore jeune avec son sourire adorable et ses fossettes mon grand-père lui, faisait vraiment son âge. Sa peau était sombre due au travail extérieur et marquée par les rides. Il ne parlait pas beaucoup, quand j'étais petit il disait toujours qu'il était doué de ses mains pas de ses mots.

Les repas faits maison m'avaient affreusement manqué, le goût de la cuisine de ma grand-mère notamment. Elle s'enquit un peu de mes nouvelles. Nous n'étions pas de grands parleurs dans la famille mais ça me convenait très bien.

— Comment va ton ami Jimin ?

— Bien. Il attend ses résultats pour les auditions de danse.

Mon grand-père grogna :

— Danser hein ? Il n'a pas changé d'avis ?

— Non.

— Est-ce que lui donnera un vrai métier ça ?

— Halabeoji, les jeunes d'aujourd'hui sont différents, le réprimanda doucement ma grand-mère, et puis Jimin est très doué, tu sais.

Mon grand-père était un type de la campagne, un terre à terre et bien qu'il appréciait mon meilleur ami, son attrait pour l'art de la danse lui paraissait incompréhensible. Quand j'étais petit, je voulais devenir saxophoniste et je me souvenais bien que ça ne l'emballait pas vraiment. Quand j'avais finalement changé de choix de carrière, il avait acquiescé, préférant que son petit-fils devienne médecin plutôt que musicien.

Je ne lui en voulais pas, il ne m'avait jamais rien interdit, seulement donné son avis.

— Il appelle de temps en temps, c'est vraiment un gentil garçon, prononça ma grand-mère.

Le VoyeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant