Les hurlements de l'enfant me faisaient affreusement mal aux oreilles mais mon corps se mit à réagir instinctivement à cet appel.
Je quittai rapidement la salle de jeux des enfants en train de faire des constructions en lego et me dirigeai vers l'origine de cette voix. Je traversai le couloir au parquet grinçant avant de déboucher dans une petite pièce avec une table à langer. La vieille femme se tourna vers moi en m'entendant arriver et me regarda avec tristesse.
— Je n'arrive pas à le calmer...
Je m'approchai, me penchant vers le nourrisson rouge, pleurant, aux hurlements stridents et inarrêtables. Je le calai dans mes bras sous mon cou et commençai à marcher tout en chantonnant.
Les sanglots se calmèrent peu à peu alors que j'embrassais et caressais le visage de l'enfant en déambulant dans les couloirs de l'orphelinat aux murs décrépits. Je finis par revenir vers la petite pièce où la vieille ahjumma avait changé d'autres enfants et d'autres bébés, elle me fit un pâle sourire en me revoyant.
— Merci, Taehyung.
— Je vais le garder un peu jusqu'à ce qu'il s'endorme.
— Mais ta journée est terminée, tu devrais rentrer...
— Je vais attendre.
Le petit être dans mes bras s'appelait Heejun. C'était le nom qu'on lui avait donné il y a quinze jours en le retrouvant dans une boîte.
Oui, une boite.
Parce que dans ce pays on pouvait abandonner son enfant dans une boîte spécialement conçue pour cela. Selon les traditionalistes, c'était mieux que d'avorter.
Je ne prenais pas part au débat. Pas vraiment.
Sauf que Heejun avait seulement quelques semaines et il était tellement en manque affectif qu'il pleurait sans arrêt jusqu'à ce que quelqu'un le prenne dans ses bras.
J'avais commencé mon stage il y a presque un mois.
Si j'avais adoré mon stage de l'année dernière en pédiatrie à l'hôpital, aujourd'hui je découvrais la réalité derrière les murs stérilisés et ordonnés des hôpitaux généraux.
Je suivais un pédiatre de ville, en cabinet. Mr Jung, soixante-cinq ans, recevait les parents et les enfants dans son cabinet et parcourait les différents orphelinats pour soigner les enfants parce que les structures dans lesquelles ils étaient placés ne possédaient pas les moyens financiers pour les emmener à l'hôpital.
Ce stage me bouleversait.
Plusieurs fois au cours de ces dernières semaines, j'étais rentré chez moi, épuisé, exténué et les nerfs à vif, les émotions exacerbées et je pleurais pendant des heures.
En pédiatrie c'était les parents qui emmenaient leurs enfants, ils s'en occupaient, leur rendaient visite, payaient les soins hospitaliers une fortune. Bien sûr, certains enfants souffraient de graves maladies mais il y avait des médecins, du personnel, des animateurs, des activités, des thérapies proposées... En ville, pour les classes sociales plus basses, on envoyait l'enfant à la clinique et il ne recevait pas toujours de soins, de thérapies ou de traitements adaptés.
Encore plus dans les orphelinats.
Et c'était bien cette réalité-là qui me bouleversait.
De voir ces enfants abandonnés, seuls, malades, isolés et si peu de gens pour s'occuper d'eux, pour les aimer, les chérir, les consoler.
J'étais très occupé alors Jungkook et moi nous n'avions pas pu nous voir souvent mais quand on arrivait à se voir, il devait parfois me réconforter pendant des heures tant que je ne me remettais pas des situations que je vivais. J'en étais presque venu à penser que ce stage n'était pas fait pour moi et que je ne parviendrais pas à garder une neutralité et une impartialité de médecin. Il y avait un monde, un univers entre la théorie et la pratique et je n'étais pas assez fort.
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Le Voyeur
FanfictionIl y avait moi et ma vie ennuyante et il y avait lui, le voisin d'en face. Il y avait nous dans nos deux appartements faits à l'identique comme le reflet d'un miroir. Il ne me connaissait pas moi je savais tout de son quotidien. J'avais besoin de v...