— Freine ! Putain freine !
J'enfonçai la pédale de frein brusquement et la voiture dérapa sur l'asphalte humide avant de se figer devant un passage piéton délimité par un feu rougeoyant dans la nuit sombre.
À côté de moi, se tenant à la poignée accrochée au-dessus de la portière de la voiture, le corps crispé, amaigri dans sa chemise d'hôpital, la jambe tendue enfermée dans une attelle qui reposait maladroitement sur le tableau de bord, Jungkook semblait au bord de la nausée.
— T'es un malade ! T'es complètement cinglé ! beugla-t-il de sa voix cassée. Tu veux nous tuer ? C'est ça ? Putain mais qu'est ce qui m'a pris de partir avec toi... ? Pourquoi j'ai fait ça ? Pourquoi tu...
— Tu veux y retourner peut-être ? rétorquai-je.
J'en étais toujours au même point, rien n'avait changé depuis les cinq dernières minutes où on avait quitté la clinique pour démarrer la voiture en trombe et s'enfuir dans la nuit sombre.
Je perdais encore mes moyens.
Parce qu'il était là.
Parce qu'il était lui.
Et parce que tout était sens dessus dessous à présent.
Face à ma remarque il se tut brusquement et m'envoya un regard mauvais avant de cingler :
— Va te faire foutre !
Je redémarrai en trombe tandis que le feu passait au vert et nos corps se projetèrent contre les fauteuils, je l'entendis geindre de douleur en se tenant la jambe.
— Combien de temps depuis ta dernière prise d'anti-douleurs ? l'interrogeai-je d'une voix que je ne reconnus pas.
— Regarde la route, putain, regarde la route !
— Réponds-moi !
Nous avions l'air de deux fous roulant au milieu de nulle part, allant jusqu'au bout du monde sans un seul gramme de cohérence dans le sang.
— Je sais pas, j'ai tout recraché, je prends pas leur merde !
Je retins un juron en manquant de freiner encore trop brusquement. L'irrationalité de mon corps et de mes émotions ne me plaisait pas.
Rien ne s'engrangeait correctement, comme si les rouages de mon corps étaient bloqués.
C'était comme si cette ville m'avait happé, m'avait ramené dix ans en arrière.
À quelqu'un que j'avais oublié.
Moi-même.
La voiture fit une embardée et la voix de Jungkook déjà bien abîmée sembla se fissurer davantage.
J'avais du mal à contrôler le volant de la voiture autant que mon corps et je nous mettais en danger tout en sentant la terrible adrénaline secouer mes muscles.
Au feu suivant, je me mis à réguler ma respiration, les mains accrochées au volant.
Je devais réfléchir à un plan, les idées commençaient à fourmilier sous mon crâne.
J'aurai pu donner un titre à ce plan mais ça ne me semblait pas être le bon moment.
Je déverrouillai le GPS de bord avant de prendre le boulevard puis de tourner à gauche. Mon téléphone, accroché à l'emplacement spécifique près du volant, manqua plusieurs fois de se décrocher alors que je maltraitais la touche d'appel.
La voix de Jin hyung s'éleva dans les haut-parleurs de façon ensommeillée et inquiète tandis que je l'informais de me rejoindre au plus vite devant son cabinet de consultation.
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Le Voyeur
FanfictionIl y avait moi et ma vie ennuyante et il y avait lui, le voisin d'en face. Il y avait nous dans nos deux appartements faits à l'identique comme le reflet d'un miroir. Il ne me connaissait pas moi je savais tout de son quotidien. J'avais besoin de v...