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« Tu seras grandiose, Park. »

Je ne fus pas certain d'avoir été à la hauteur de ce que Yoongi hyung avait proclamé, mais étonnement l'audition se passa pour le mieux.

Pour une fois.

En réalité, les choses se passaient régulièrement de la même manière pour les danseurs. Il y avait d'abord un projet de départ : une comédie musicale, un cabaret, une œuvre de théâtre, un spectacle, une publicité, des rôles de back-danseurs, même des événements particuliers organisés dans le cadre privé. S'ouvrait alors un casting de sélection.

Personnellement, je ne visais en premier lieu seulement les comédies musicales, les spectacles, et ne m'intéressais aux cabarets et aux rôles de back-danseurs pour un clip ou une pub que lorsque l'argent venait à manquer à la fin du mois, notamment quand j'avais claqué la moitié de mon salaire dans du shopping.

Mais n'évoquons pas ce détail.

Les auditions se déroulaient toujours de la même manière, les seules choses qui divergeaient étaient l'importance de l'audition, les rôles et les recruteurs.

Évidemment, il y avait les castings que tout le monde s'arrachait : les auditions ultimes, celles qui vous ouvraient les portes en voie royale, déroulant même le tapis rouge vers les premiers rôles, la reconnaissance, le milieu de la danse et des réalisateurs, des chorégraphes connus et des compagnies artistiques.

C'était le rêve de ma vie.

Ce jour-ci, réveillé aux aurores après une nuit au sommeil un peu agitée, j'avais quitté l'appartement peu avant que Yoongi hyung ne rentre, je lui avais tout de même envoyé un message, en espérant ne pas me faire envoyer chier, avant de me rendre au casting qui avait lieu dans un petit théâtre du nord de la ville.

Après trois trajets en bus différents et une bonne vingtaine de minutes de marche, je passai les portes de la petite salle pile à l'heure. Elle n'était pas très moderne et en embrassant le lieu du regard, je distinguai une centaine de places assises au maximum. On m'indiqua une pièce adjacente à la scène, en coulisse, où s'agglutinait déjà une bonne cinquantaine de danseurs.

Il s'agissait d'une énième adaptation en danse contemporaine du Petit Prince de St Exupéry, une pièce vue et revue mais adorée des coréens, des grands et des petits. Une histoire déjà maintes fois adaptée en spectacle à travers la capitale. L'audition d'aujourd'hui distribuerait les premiers rôles, mais la compagnie étant peu connue nous étions finalement peu nombreux.

Quand il s'agissait de casting de très grosses agences, de très grosses compagnies pour des très grandes salles, on pouvait être presque cinq cents à se présenter sur plusieurs jours. C'était démentiel, très stressant et compétitif pour qu'au final seulement une seule personne soit choisie.

Personnellement j'étais plutôt pessimiste dans mon genre, notamment car ça faisait des années que j'avais été diplômé et que je ne parvenais pas à décrocher quoi que ce soit de prometteur. Ça m'épuisait, je commençais à ne plus en voir le bout. J'avais l'impression tout de même d'être mieux loti que certains, car mon poste de professeur à temps partiel m'offrait une sécurité financière salvatrice pour pouvoir vivre décemment. Mais parfois, quand j'étais vraiment négatif et que je n'arrivais pas à empêcher mes pensées de tourner en rond en me faisant du mal, je me disais que je passerai ma vie à ne jamais être choisi. Que je devrai me contenter de petits castings pour devenir figurant de clip, danseur de spectacles communaux, danseur de club ou autres petites missions sans pérennité...

Je me débarrassai de ma veste et changeai de chaussures ; calé dans un coin de la pièce surchauffée, j'essayais de ne pas regarder mes comparses. La compétition était affreuse dans ce milieu et encore, je supposais que du côté féminin c'était encore pire. Je tâchai de réguler mon souffle, comme Teamin hyung me l'avait appris pour pouvoir gérer mes émotions et mon stress.

Le VoyeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant