Chapitre 9 (CORRIGÉ)

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Elle sentit un soudain besoin de se dépenser, elle était trop pleine d'énergie, trop énervée et se posait trop de questions. Elle ne voulait plus penser, juste se libérer, extérioriser. Sa sœur aînée lui aurait dit d'aller courir... mais Astoria détestait ça ! Elle était bien contente de ne pas l'avoir à côté, sinon elle aurait sûrement pété un plomb. À Paris, elle connaissait un dojo qu'elle affectionnait particulièrement, mais ici elle n'était pas au fait des établissements sportifs. Ça ne faisait pas assez longtemps qu'elle habitait là, et elle n'avait pas fait de recherche.

Elle hésita à appeler Spencer pour lui demander conseil. Mais, à l'image de Spencer se superposa celle de la maison de la forêt, puis celle l'autre blond allumé, elle écarta donc cette possibilité. Ses options étaient vraiment limitées. Il fallait qu'elle s'occupe... maintenant, ou elle allait exploser. Une voix résonna à nouveau dans son crâne :

« On peut juste aller dans les bois, on marche, tape un ou deux arbres, et tu sais courir, c'est pas si mal. »

Pourquoi tout le monde voulait courir ? Tori en avait assez qu'on lui répète en long, en large et en travers que le jogging était le meilleur moyen de se vider la tête, si même sa conscience s'y mettait, elle était dans le pétrin !

« Je ne suis pas ta conscience ! », s'offusqua La Voix.

« Alors je suis schizo en plus !? T'es une de mes personnalités ? Tu t'appelles comment ? »

« On peut dire que je suis une de tes personnalités... je suis Reece »

La jeune femme se rendait bien compte qu'elle devenait complètement dingue, si elle parlait de ça à qui que ce soit elle irait sûrement direct à l'asile... mais pour l'instant, elle avait besoin de ne pas être seule dans son studio. Elle allait étouffer. Elle mit des baskets avec détermination et partit dans les bois. Elle ne savait pas encore ce qu'elle allait y faire, mais elle y allait.

L'odeur du sous-bois la prit à la gorge, plus puissante que d'habitude, mais elle sentait terriblement bon. Un petit vent lui procura un doux frisson, caressant son front, ses joues et son cou de sa fraîcheur bienvenue par cette température. Les arbres s'alignaient, à perte de vue, derrière sa voiture. La lumière jouait avec les feuilles, agitées par le souffle d'air. La forêt semblait l'accueillir à bras ouverts.

Par contre, Tori commit l'erreur d'inspirer profondément, et toussa, trop d'effluves différents mélangés en grande quantité l'asphyxiaient. Ça lui donnait l'impression qu'elles s'étaient toutes matérialisées en une fumée âcre qui lui asséchait l'œsophage. Elle ne comprenait pas, elle ne devrait pas sentir tout ça avec une telle puissance. C'était comme si elle avait toujours eu le nez congestionné et que soudainement il fonctionnait correctement.

Un ronronnement gronda à l'intérieur de son crâne, ou du moins c'était ce qu'elle pensait. Mais elle l'avait également ressenti dans son corps, une vibration dans sa gorge. Décidément, elle devenait complètement tarée. Une explosion de bruits l'obligea à se boucher les oreilles, mais la protection que lui offraient la paume de ses mains était bien trop faible pour occulter les sons. Le moindre gazouillement d'oiseau au loin lui paraissait strident. Elle était perdue, assourdie par un son qu'elle ne parvenait pas à identifier. Elle dut s'accroupir pour ne pas perdre l'équilibre, la tête calée entre les genoux, se balançant d'avant en arrière. Plus rien n'allait, le vent qu'elle trouvait, il n'y avait pas trois minutes, agréable s'était à présent transformé en une pluie d'aiguilles vicieuses qui mettaient un point d'honneur à la transpercer.

Au supplice, elle se résolut à rentrer chez elle. Cette forêt devait être maudite, elle n'en savait rien, mais elle ne pouvait pas rester ici. Réunissant toutes ses forces restantes, elle remonta dans sa voiture en titubant. Le vacarme ne s'arrêtait pas, il grandissait à chacun de ses pas et les senteurs la rendaient de plus en plus nauséeuse. Son trajet du retour s'avéra chaotique, jamais conduire n'avait été aussi difficile. Elle arriva dans son appartement complètement vaseuse, pas sûre de comprendre comment elle n'avait pas eu d'accident, et se réfugia aussitôt dans son lit. Son contact avec le tissu la brûla au début, mais sa peau s'habitua graduellement. De toute façon, elle ne pouvait plus bouger. Le comprimé de paracétamol qu'elle avait avalé était malheureusement d'une inefficacité absolue. Elle avait l'impression qu'une vis lui perforait le crâne de part en part.

Le Sceau (tome 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant