Chapitre 7 (CORRIGÉ)

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Sous un ciel bleu étincelant, dans une clairière verdoyante balayée par une brise printanière, Astoria était étendue parmi les fleurs, avec, posée sur son ventre, la tête d'un grand tigre doré. Son pelage couleur crème était strié de rayures rousses brillant au soleil. Elle n'avait aucun souvenir de cet endroit, elle avait même la certitude de n'y être jamais allée. En soulevant sa main droite, elle vit sur son poignet sa cicatrice laiteuse, elle était donc bien dans le présent. Elle se sentait extrêmement bien, plus vivante que jamais, mais surtout plus elle-même qu'elle ne l'avait jamais été. Elle observa un papillon indigo moucheté de noir voleter légèrement de bouton en bouton sur sa gauche, semblant n'avoir aucun souci. Elle laissait l'astre de feu l'envelopper de sa douce chaleur, en caressant la tête de la bête. Sa taille impressionnante, étrangement, n'inquiétait pas Tori. Elles étaient comme deux meilleures amies qui partageaient tout, y compris leurs pensées. La voix basse de la tigresse ressemblait à un ronronnement affectueux et réconfortant.

« Sais-tu à quel point tu m'as manqué ? » disait-elle, « je t'ai vue souffrir, avoir peur et être seule, mais je ne pouvais rien faire... je suis désolée, je suis là pour toi maintenant. »

En disant cela, l'animal avait appuyé son front large contre l'épaule de sa compagne, comme s'il voulait la soutenir. La jeune femme ne répondit rien, mais lui envoya une onde de gratitude. Elle retrouvait une vieille amie, et elle savait qu'elle ne l'avait jamais abandonnée. Maintenant, elle se laissait simplement bercer par cette voix apaisante, ressentant un besoin irrépressible de l'entendre. C'était pour elle comme recouvrer l'usage d'un de ses membres immobilisé depuis longtemps, libérateur et nouveau, mais connu.

Astoria était, en réalité, étendue dans un lit, et rêvait, mais de façon tellement réaliste qu'elle ne s'en rendait pas compte. Il y avait trop de détails, tout semblait indiquer qu'elle venait juste de se réveiller, seule, au milieu des fleurs avec sa tigresse. Sa raison ne lui disait même pas que tout ceci était bien étrange, que sa vie ne ressemblait pas à ça normalement. Dame Sapience s'était tue, mise en retrait, elle laissait le subconscient de sa propriétaire s'exprimer.

Le décor changea, elle était assise à une table dans une vaste pièce de séjour très claire. Tori était cette fois spectatrice d'une scène qui titillait sa mémoire, son félin avait physiquement disparu, mais sentait son esprit à ses côtés. Elle voyait à présent deux petites filles jouant ensemble. La première paraissait avoir plus ou moins cinq ans avec des cheveux bruns fou-fous, elle chatouillait sa sœur qui avait deux ans et qui riait aux éclats, ses grands yeux vairons luisants de bonheur. Une femme au visage doux arriva dans le salon et les contempla avec amour, comme seule une maman savait le faire.

Le tableau évolua encore, il se passait au même endroit, mais il semblait s'être écoulé quelques minutes ou heures. L'aînée jouait par terre tandis que l'autre se lovait dans les bras de sa mère qui écoutait son mari parler, au téléphone. La tristesse voilait son regard en admirant sa fille, qui revêtait à présent plus les traits d'un félin et ronronnait.

Elle fut ensuite transportée dans une forêt de chênes et de hêtres. Elle vit, dans un espace dégagé couvert de feuilles, la bambine de deux ans se tenant dans une sorte dessin fait dans le sol. Il ressemblait à un soleil dans lequel se trouvait le cycle de la lune entouré de caractères qui lui paraissaient familiers, mais qu'elle n'arrivait pas à déchiffrer. Elle semblait en transe et une pâle lueur s'échappait de sceau tandis que des symboles identiques à ceux sur la terre éclairaient son petit front en sueur. Une dame d'une cinquantaine d'années, la peau basanée, des iris noirs comme deux billes de charbon concentrés sur un point invisible, parlait toute seule, à voix basse. Les mots étaient hachés, mais sonnaient étonnamment bien, hypnotiques.

Toujours au même endroit, elle vit l'autre fillette dormir paisiblement dans les bras de son père. Pendant ce temps, la femme brune de l'image antérieure, les mains posées sur sa tête, murmurait quelque chose et un filet lumineux se faufilait hors du crâne de l'enfant, formant une boucle avant de revenir plus terne.

Le Sceau (tome 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant