Le Sceau (tome 1 et 2)

Chapitre 4 [CORRIGÉ]

Confortablement adossée à la baie vitrée ouverte de son salon, une jambe pendant dans le vide, Astoria était assise sous la lune, respirant avec délice l'air de la nuit. Elle avait posé la carte du bar sur ses cuisses et son regard se perdait dans la vaste forêt éclairée par la lumière laiteuse de l'astre. Les arbres normalement verts paraissaient presque bleus et mystérieux, apaisant la jeune femme. Ça lui donnait une allure de forêt enchantée, comme dans les contes ou dans les rêves.

Elle sourit en se rappelant une pièce de théâtre qu'elle avait jouée au lycée, « songe d'une nuit d'été » de Shakespeare. Ça avait été très drôle et un beau bazar. Mettre en place un décor de bois sur une petite estrade d'amateurs, vu qu'une majeure partie de la représentation se passait dans cet environnement, avait été hilarant. La scène avait fini par être recouverte de mousse et de branches de façon complètement désordonnée, pas une grande réussite, mais ça avait fait l'affaire et la troupe avait bien rigolé.

Elle prit une profonde inspiration et songea que c'était la première fois qu'elle se posait un peu depuis son arrivée. Elle n'aurait jamais cru que ses journées seraient aussi remplies dès le début. Ce n'était pas plus mal au fond, seulement la nuit était belle et l'amenait à réfléchir. Le silence et la solitude lui permettaient de mieux prendre conscience de sa situation actuelle. Elle avait radicalement changé de mode de vie, mais ne regrettait pas son déménagement et la tournure que prenaient les événements la rendait heureuse. Elle se sentait dans son élément ici, c'était comme si elle avait trouvé une deuxième famille.

Un souffle d'air frais lui caressa le visage, lui faisant fermer les yeux pour davantage en profiter, sa tête appuyée sur la vitre. Disparue, la lourdeur de la journée. Le soleil avait emporté avec lui sa chaleur suffocante. Tori aurait pu s'endormir sur place sans souci si elle n'avait pas tant à faire...

Un chat, se confondant avec la nuit, l'observa un moment de ses grands yeux verts, la tête légèrement penchée. Juché sur la barrière d'un balcon voisin, il ressemblait à un sphinx à moitié invisible. Lorsqu'elle ouvrit ses paupières, l'étudiante aperçut un mouvement dans la rue, mais ne put déterminer ce que c'était parce qu'un petit chat vint se frotter à son bras, captant toute son attention. Elle le souleva délicatement, admirant son magnifique pelage noir luisant et ses deux billes émeraude. Il était propre et avait l'air en bonne santé, ce n'était sûrement pas un chat errant, pourtant il ne portait pas de collier.

— T'es tout beau toi ! Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es clairement pas chez toi, hein ? demanda-t-elle d'une voix douce.

L'animal pencha sa tête et sa petite bouille attendrit définitivement Tori. Elle le posa sur son bassin, le caressant distraitement pendant qu'elle lui parlait.

« Après les cartons, je peux bien taper la discut' à un chat », pensa-t-elle, la feuille plastifiée indiquant les différents cocktails à la main.

Elle trompait la solitude en bavardant à un félin. Qui ne s'était jamais confié à son familier ?

— Tu ne trouves pas que la nuit est magnifique ? Je suis censée apprendre les cocktails pour le moment...

Un ronronnement faible s'échappa de la gorge du petit être tout de noir velu.

— Oui, je sais, ce n'est pas raisonnable de le faire si tard... enfin, ma mémoire n'est pas si mauvaise, tu sais. Tu crois que je vais avoir ce job au bar ? Je n'ai jamais réellement travaillé dans ce genre d'endroit, j'étais serveuse dans une pizzeria...

Il frotta sa tête contre sa cuisse.

— Merci, c'est gentil de me réconforter, s'amusa-t-elle. Bon allez, courage, je vais lire tout ça !