Chapitre 12

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Astoria s'était assoupie sans difficulté, cassée par toutes ces émotions. La fatigue l'entraîna dans le pays des rêves et elle s'y laissa porter avec délice, retrouvant sa tigresse, telle qu'elle l'avait rencontrée la première fois, après la soirée. Elle était si belle ! Les reflets roux de sa fourrure à la lumière étaient réellement captivants. C'était dommage qu'elle soit obligée d'être endormie pour la voir et la toucher. Elle promena d'un geste attendri sa main sur le doux pelage de l'animal qui ronronnait de plaisir. Elles ne formaient qu'une avec leurs deux corps séparés, elles se comprenaient et s'acceptaient. D'un coup, elles fusionnèrent et ne devinrent physiquement qu'une : il n'y avait plus qu'une tigresse qui courait au maximum de sa vitesse, grisée par sa liberté. Tori ressentait toutes les sensations du félin, jusqu'à la pression que ses coussinets exerçaient sur le sol à chaque pas. Ce fut lorsque son souffle lui manqua qu'elle s'arrêta dans son élan et s'étendit, griffant paresseusement le gazon sous le soleil. L'agréable chaleur qu'irradiait l'astre bien haut dans le ciel la mettant à l'aise, elle ne voulait plus bouger et simplement faire la sieste.

Lorsque Spencer s'éveilla, elle se douta que quelque chose ne tournait pas rond, son oreiller était bien trop chaud et trop doux pour être vrai. Après une palpation plus attentive, elle le trouva un tantinet plus ferme que d'habitude, et surtout plus vivant. Elle ouvrit péniblement les yeux, assistant à un spectacle qu'elle n'avait encore jamais vu. Un grand tigre couleur crème était couché en diagonale sur son lit, et ce qu'elle avait pris pour son coussin était tout bonnement sur son épaule puissante. Le temps qu'elle comprenne que l'animal exhalait la même odeur qu'Astoria, et que logiquement c'était Astoria, son cerveau disjoncta et elle sauta du matelas, bien réveillée.

Elle fut émerveillée par la beauté de la bête, mais surtout se demanda comment elle avait pu continuer à ronfler paisiblement quand son amie s'était transformée. Tori aurait dû avoir un peu mal, la première métamorphose intégrale après la puberté était la plus difficile, d'autant plus qu'elle avait été scellée des années. Son corps devait être complètement rouillé. Seuls les métamorphes les plus puissants ne sentaient pas grand-chose à ce moment-là, le mécanisme étant adouci. Enfin, même en se reposant, Astoria respirait la puissance sous cette forme, et la majesté. Peut-être qu'elle était destinée à être yfir plutôt qu'annarr, contrairement à ce que Spencer avait d'abord pensé. Mais il y avait toujours quelque chose d'étrange à propos d'elle, elle n'arrivait cependant pas à mettre le doigt dessus. Elle pouvait juste ressentir, comme un pressentiment, qu'il y avait un truc indéfinissable de différent. Se ressaisissant, elle envoya un message télépathique à l'Aor yfir pour lui dire que la nouvelle s'était transformée cette nuit. La réponse ne se fit pas attendre :

« Réveille-la, on fait la revendication dans une heure. »

Astoria s'étira dans son sommeil, faisant onduler son pelage et donnant à son amie le loisir d'observer sa musculature développée. La réveiller alors qu'elle avait l'air si paisible s'apparentait à un crime, mais un plan machiavélique germa bientôt dans son esprit. Elle déplaça son miroir de dressing en face du lit, pour que la belle au bois dormant de tigresse voie son reflet dès qu'elle aurait ouvert les yeux. Enfin, partie ultime de son stratagème, elle enclencha un enregistrement vidéo sur son téléphone et le cala afin qu'il filme tout le matelas et son périmètre. En théorie, ça devait être facile, mais l'appareil prenait un malin plaisir à glisser le long de la glace. Spencer, à court d'idée pour le faire tenir, finit par le coller avec du scotch de déménagement qu'elle avait dans un tiroir de son bureau.

Contente de son travail, elle se positionna devant l'objectif et lui lança un clin d'œil avant d'approcher sa main de l'oreille de son amie et de lui titiller les poils intérieurs. C'était normalement une technique imparable pour embêter les animaux. La dormeuse se borna toutefois à agiter son organe rond et velu, comme si elle voulait éjecter un insecte gênant. Comprenant que les oreilles étaient un échec, la tortionnaire passa aux coussinets, ou plus exactement les poils qui logeaient entre les coussinets. Elle répéta le même manège jusqu'à ce que la bête râle, bouge un peu et entrouvre les paupières. L'effet fut immédiat, Astoria fit un bond en arrière absolument magnifique. Elle ressemblait à un chat de gouttière qui faisait le dos rond, comme dans les aristochats. Seulement, elle s'emmêla les pattes dans le bout du drap et plongea, très gracieusement, sur le sol, atterrissant sur l'échine, dans une pluie de morceaux de mousse. Ayant voulu se retenir, elle avait planté ses griffes dans le matelas et sa chute l'avait déchiqueté.

Le Sceau (tome 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant