Le Sceau (tome 1 et 2)

Chapitre 70 - FIN

La neige, épaisse, tombait sans interruption depuis la veille au soir. Comme des coussins d'ouate, elle emplissait l'espace en bloquant les bruits divers. Tori, devant la fenêtre de sa chambre, s'amusait à faire de la buée sur la vitre et à dessiner des formes dedans, pour faire passer le temps. Les minutes s'égrenaient à une lenteur insupportable, et cette neige qui ne semblait pas prête de s'arrêter lui donnait l'impression que le monde était figé.

Elle avait beaucoup à faire, mais elle était incapable de s'occuper, l'esprit trop encombré. Ses parents avaient dû atterrir il y a une heure environ, ils allaient arriver au manoir dans l'après-midi. Elle n'avait même pas réussi à manger son déjeuner, l'estomac noué, Zion lui avait interdit d'aller à l'aéroport. Il avait été intraitable, il n'y avait pas moyen qu'elle fasse le trajet, sa famille la verrait ici. Ça ne leur rajoutait que deux heures de trajet avant de retrouver leur fille chérie, trajet qu'ils auraient dû faire avec ou sans elle de toute façon.

Il avait envoyé une délégation de métamorphes sur place pour les récupérer, trois voitures étaient parties en ligne, toutes noires. On aurait dit des agents de la CIA dans les films qui conduisaient des grosses berlines rutilantes, à la poursuite de quelque criminel. La jeune femme n'avait pu s'empêcher de penser qu'il n'y avait rien de moins discret, qu'elle aurait mieux fait d'y aller avec ses amies dans une petite voiture basique. Mais l'Aor yfir lui avait opposé que, quel que soit le véhicule utilisé, leur odeur les trahissait. Il préférait du coup envoyer ses meilleurs combattants remplir leur mission en douceur, plutôt que de se faire un sang d'encre pour sa compagne.

Quand il exposait son plan comme ça, elle trouvait ça compréhensible. Quand elle regardait un film, elle était la première à pester contre les héroïnes qui râlaient devant une règle que leur amant leur imposait pour leur sécurité. Elle voyait toujours la logique derrière ces décisions. Mais il fallait admettre que ce n'était pas très agréable. Tout compte fait, les personnages principaux n'étaient pas toujours aussi nunuches qu'il n'y paraissait.

La soirée d'hier avait été fort agitée, ils n'avaient pas arrêté d'argumenter. Des éclats de voix avaient été entendus dans toutes les pièces du manoir, les membres de la meute avaient tous fait profil bas en attendant que la tempête passe. Aujourd'hui, la tigresse avait passé son temps à éviter le lion, énervée.

Elle savait qu'il avait raison, mais elle lui en voulait quand même, c'était tout de même de sa famille dont on parlait. Sa réaction était celle d'une gamine, elle en avait bien conscience, quand les quatre invités seraient arrivés, tout irait mieux. Il lui tardait juste de voir sa famille, et on lui interdisait de la voir dès leur arrivée sur le sol américain.

« Tu sais qu'au lieu de martyriser cette pauvre fenêtre, tu pourrais prendre une feuille et un crayon » tenta Reece qui peinait à remonter le moral de son amie.

« Tu crois que la neige va beaucoup les ralentir ? » l'interrogea celle-ci, ignorant sa proposition.

« Toi devant ta fenêtre ne les fera pas avancer plus vite en tout cas... », la réprimanda l'animal.

Un grattement à sa porte sortit la boudeuse professionnelle de sa morosité pendant quelque temps, Bolt avait fini de folâtrer dans les couloirs et il voulait retourner voir sa maîtresse. Trouvant qu'elle mettait trop de temps à venir, il gratta à nouveau. Elle ouvrit enfin la porte et le chenapan lui sauta au visage, la recouvrant de bave. Elle n'était pas d'humeur à tant de démonstrations de joie, mais pourtant ne le rejeta pas. Il n'arrêtait pas de la titiller pour qu'elle joue avec lui, lui chatouillant le cou de sa truffe et en la mordillant. Elle finit donc par ranger ses soucis dans un carton dans un coin sombre de son cerveau et décida d'aller dehors.