Chapitre 34

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Lili et moi nous étions rendues ensemble en cours le lendemain. Le ciel était bleu, il faisait chaud et mon amie me racontait des anecdotes croustillantes à propos de sa jeunesse. J'avais tout pour être détendue et heureuse. Cependant mon sourire se figea quand je vis Jules nous observer devant la salle. Mat était aussi entrain de lui parler mais Jules n'écoutait visiblement pas.

Le sourire de Lili s'était crispé quelques secondes avant de s'avancer vers le garçon essayant de faire preuve de légèreté.

« Coucou !»

Mat avait immédiatement coupé court à son récit en entendant la voix de Lili et s'était tourné vers nous pour nous saluer avec le sourire. Jules resta silencieux. Lili sauva la situation. Elle se lança dans une conversation animée avec Mat et me demandait parfois mon soutient. Cela me permit d'ignorer Jules sans gêne. Ou du moins en façade. Je me forçais à ne pas le regarder mais son regard me brûlait. J'avais envie qu'il vienne s'excuser. Je ne comprenais pas pourquoi il ne le faisait pas...

Jules avait été mon deuxième ami ici. Le fait qu'il me regarde comme ça me donna l'impression que je n'étais plus à ma place. C'était bête mais je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir cela. Lili s'en rendit compte. Elle me sollicitait souvent pour que je me sente intégrée et ignorait Jules tout comme moi mais mes interventions se firent néanmoins de plus en plus rares et courtes.

Je n'arrivais même pas à me sentir bien en cours. Jules était assis quelque part devant à côté de Mat alors que j'étais plus à l'arrière avec Lili. On aurait pu penser que cette séparation m'aiderait mais les nombreux regards appuyés de Jules n'aidaient pas... De plus il n'était pas le seul à me fixer. Les trois filles du cours de sport me lançaient aussi des regards appuyés.

Je ne connaissais pas leurs prénoms et j'ignorais pourquoi elles me regardaient comme ça. Au départ je me disais qu'elles devaient regarder quelqu'un d'autre mais au bout de la quatrième fois je dû avouer l'évidence.

Malgré moi je me faisais toute petite sur ma chaise et écoutais de moins en moins le cours qui pourtant me passionnait. Je me mis même à regarder les filles à mon tour. Deux d'entre elles étaient assez grandes alors que l'autre devait faire moins de 1m50. Cette dernière avait des cheveux bruns avec des mèches plus claires. Les deux autres étaient brunes aussi. L'une avec des boucles, l'autre avec des cheveux raides. Elles étaient très jolies.

Je m'isolais de plus en plus et parlais de moins en moins. Même avec Lili qui me laissa tranquille au bout de plusieurs tentatives. Elle devait se dire que j'avais le droit de respirer et je lui en étais reconnaissante.

Je n'avais pas très faim à midi alors j'ai juste prit une pomme et je suis allée m'asseoir dans l'herbe dehors. Lili m'avait suivie et avait mangé son sandwichs en silence à mes côtés. Un groupe de cinq filles était aussi assis dans l'herbe un peu plus loin. Elles étaient les filles du théâtre dont Lili m'avait parlé. Elles étaient souriantes et nous proposèrent de nous joindre à eux.

Je me forçais à sourire et à me concentrer sur leur conversation. Malgré les quelques égarements de mon esprit, je passais un bon moment en leur compagnie.

En allemand je changeais de place pour la énième fois cette année et au lieu d'être à côté de Jules, je retournais à côté de Liam derrière. Ce dernier me sourit satisfait.

« Je t'avais dit que tu allais t'ennuyer à côté du mouton. »

Je lui souris. Sa présence m'apaisait mais je n'avais pas vraiment envie d'aborder ce sujet avec lui à ce moment précis.

« Tu avais raison. Tu es un compagnon nettement plus agréable. »

Liam posa une main sur son cœur en signe de choc :

« Mais wow. Que me vaut ce compliment ?

-Je ne pensais pas que tu en ferais tout un plat. Je n'aurais peut-être pas dû parler.

-Ah mais c'est trop tard maintenant. Je suis parfait tu l'as dit.

-Je ne pense pas avoir dit cela.

-C'est tout ce que j'ai entendu. »

Je levais les yeux au ciel.

« Si cela peut te faire plaisir.

-Donc tu admets que je suis parfait. »

Mais je n'écoutais Liam que d'une oreille intriguée par les regards que l'on me lançait. Je n'avais pas été habituée à autant de personnes au château. J'avais toujours été au centre de l'attention mais le nombre avait été nettement réduis.

« Abrielle ? »

Liam remarqua mon désarroi et il fit de son mieux pendant toute l'heure pour que je pense à autre chose. Il dessina sur mon cahier, vola mes stylos... Il me fit rire et la prof commençait à en avoir marre de notre manque d'attention.

« Derrière. Si vous ne vous taisez pas je vais vous séparer. »

Cela nous valut des regards encore plus prononcés de la part de Jules et je me forçais à ne pas me faire trop petite. Sinon il aurait gagné.

Voyant ma gêne Liam se mit même à se montrer discret ce qui me perturba au plus haut point. Je ne l'avais encore jamais vu essayer d'être discret et cela eut le don de complètement détourner mon attention.

Avec les minutes qui passaient je fis de moins en moins attention aux regards que Jules me lançait.

Flashback de Liam :

« Je vois que ça vous a vraiment blessé. Au fond peut-être que vous pensiez ces mêmes choses de vous-même mais que vous n'avez pas osé vous l'avouer. »

J'entendais les mots de la femme jouer en boucle dans mon esprit. Je le savais. Je l'avais senti depuis toujours mais je n'avais pas voulu me l'avouer. L'entendre de la part de Noah puis de cette inconnue me fit ouvrir les yeux et je ne pouvais plus revenir en arrière.

Voyant mon choc, le docteur me laissa du temps pour réfléchir.

« Je peux voir que vous êtes quelqu'un de bien Liam. J'en suis persuadée. Mais la question est pourquoi tu penses le contraire ? »

Je voulus parler mais aucun mot ne sortit.

« Prends ton temps. C'est toujours compliqué de donner parole à nos douleurs. Ca les rend plus réelles. Mais je vais t'avouer quelque chose. Ca nous libère aussi d'un poids de les partager. Essaye donc. Commence avec quelque chose de facile.

-Bah... Noah m'en voulait de me comporter différemment entre la maison et le lycée.

-D'accord...

-Je ne sais même pas d'où est parti la dispute en fait. Tout se passait bien et puis il est arrivé au lycée et il m'a vu avec mes amis. J'avoue qu'ils ne sont pas des plus intelligents. Mais ils sont de bonnes personnes au fond. Je suis sûr que je peux compter sur eux si besoin. »

Je me figeais pensif.

« Quoi que, maintenant que j'y pense je ne suis même pas sûr que ce sont mes amis. Je ne traine pas avec eux en dehors des cours. Je ne les vois qu'en soirées et on ne parle que de meufs.

-Tu as déjà fait allusions aux filles de ton âge. J'ai cru comprendre que tu n'estimais pas que tu les traitais convenablement. »

J'hochais doucement la tête.

« Je ne les trompe pas. Je ne les viole pas. Je ne les frappe pas.

-Tu considères donc qu'il y a pire que toi.

-Oui. Mais je suis loin d'être parfait. Je n'essaye pas d'apprendre à les connaitre. Je couche avec elles une fois et je tourne la page.

-Mais pourquoi ?

-Je ne sais pas. J'ai pas envie de les connaitre.

-Aurais-tu peur de t'attacher à elles ? »

Je réfléchis un instant et voyant mon désarroi la femme continua :

« Certaines personnes ont du mal à s'attacher de peur de se faire décevoir. Cela peut s'expliquer par une perte dans leur enfance. Est-ce que cela te dit quelque chose ?

-Oui. »

Princesse cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant