Chapitre 85

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Il ne fallut pas longtemps. Je commençais à reconnaître la forêt. Tous ces arbres qui m'avaient cachée du monde extérieur pour me protéger. J'avais comme l'impression qu'ils étaient heureux de me voir. Il y avait quelque chose de joyeux dans leur manière de se balancer au rythme du vent et dans leur manière de laisser passer la lumière du Soleil. Cependant il y avait aussi quelque chose de mélancolique dans tout cela. Et si ces arbres, identiques à des soldats qui gardent un château, ne m'avaient pas protégée du monde extérieur mais au contraire avaient protégé le monde de mon existence ?

En regardant les choses sous cet angle, tout devint plus morose. Même la lumière du Soleil ne me semblait plus si chaleureuse et accueillante. Tout à coup j'avais l'impression d'être une prisonnière qui retournait au donjon. C'était comme si ma présence calmait la nature. Comme si tout allait revenir en ordre tant que j'arrêtais d'être libre.

Mon cœur se serra un instant lorsque je vis le manoir apparaître derrière les arbres mais je me repris vite. Peu importe si j'étais une prisonnière ou pas. Il n'était pas que question de moi à présent. Je devais arrêter Gaspard pour le bien de tous. Je lançais un regard discret vers Noah. Il regardait par la fenêtre en silence. La mort de Liam l'avait énormément affecté. Nous n'en avions pas vraiment reparlé mais je sentais qu'il voulait se venger. Liam était mort en partie à cause de moi. Capturer Gaspard serait ma manière de demander pardon à mon meilleur ami. J'étais égoïste je ne pensais qu'à me racheter pour moins culpabiliser. Je m'en voulais pour cela. Mais je me rassurais en me disant que si je me rachetais ça allait aussi aider Noah à aller au moins un peu mieux. Et puis peu importe mes motivations. Je devais arrêter Gaspard coûte que coûte. Je n'allais pas pouvoir me regarder dans un miroir tant que ce n'était pas fait.

Noah finit par sentir mon regard planer sur son visage et nos regards se croisèrent. Il ne sourit pas mais ses yeux n'étaient pas aussi froids que d'habitude. Nous nous fixâmes en silence le temps de longues secondes puis Alexy finit par briser le silence :

« Alors c'est là que tu as grandi... »

Je tournais la tête vers lui et le vis admirer le manoir par la fenêtre.

« Oui. »

Il siffla admiratif. La voiture fit le tour de la fontaine puis s'immobilisa devant la grande porte en bois. Cette dernière s'ouvrit et Edgar se retrouva en haut des escaliers. Le chauffeur ouvrit ma portière. Il me fallut une bonne seconde pour me remettre de ma joie de voir Edgar et de mes sentiments négatifs. Je sautais hors de la voiture et montais les escaliers deux à deux ignorant l'étiquette. Malgré tout Edgar m'avait horriblement manquée. Je n'avais jamais été loin de lui pendant si longtemps. À dire vrai je n'avais jamais été loin de lui tout simplement.

Arrivée à la hauteur de mon majordome je m'arrêtais tout sourire. Edgar me salua de façon distinguée mais je voyais bien qu'il était tout aussi content que moi. Il avait dû avoir très peur en entendant que je n'étais plus à l'école.

« Votre altesse, quel plaisir de vous savoir en sécurité. »

J'en avais les larmes aux yeux. J'avais toujours détesté qu'il m'appelle ainsi. Pour une fois j'étais heureuse d'entendre cette appellation. J'étais heureuse de l'entendre.

« Tout le plaisir est pour moi. »

Mes mains tremblaient. Je soufflais un grand coup et me jetais au cou de mon majordome. Ce dernier émit un cri de surprise.

« Votre altesse, voyons. »

Je m'en fichais de ce qu'allaient penser les autres. Je me fichais de l'étiquette. Je me fichais de tout à présent. Cela faisait treize ans que je me retenais de faire cela. Mais à quoi bon se retenir ? Edgar était comme mon père et je ne supportais pas de ne pas pouvoir lui montrer ce que je sentais envers lui. Vu les circonstances j'avais une excuse pour laisser déborder mes émotions. Et puis si je mourais le lendemain à cause de Gaspard, ça allait être une chose en moins que j'allais regretter.

Princesse cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant