Heart's Mechanic - Saison 2

13 - LEONHARD

Je ne sais pas quelle heure il est, mais mon retard est loin de passer inaperçu, genre pas comme si j'avais juste une poignée de minutes à la bourre. Je me précipite pour m'asseoir, presque comme si de rien était - presque - et je retire mon manteau et mes gants tout en reprenant mon souffle. La remarque de l'étudiante ne m'échappe pas, mais pour le coup, j'ai vraiment pas le temps d'y répondre. Pas que l'envie de la rembarrer vertement me manque... mais si j'envoie chier sa stagiaire de bon matin alors que je suis grave à la bourre, je sens qu'Eldridge va m'achever.

Passant outre mon arrivée en fanfare et la réflexion mesquine de sa stagiaire, le docteur me tend une tablette à écran souple conçue spécialement pour les amplifiés, sur laquelle est affiché mon emploi du temps. Et... c'est une blague ?? C'est pas de la remise en forme, c'est du suicide !! Ils veulent me tuer ou quoi ?... Eldridge ne me laisse pas vraiment le temps de protester - et j'avoue que comme je suis à la bourre, je n'en mène pas large et je fonce vers le terrain d'entraînement. Ça ne me ressemble pas, d'être autant à l'arrache... et je l'avoue, ça m'a un peu déstabilisé.

Mais très vite ça devient le cadet de mes soucis. La petite peste me suit comme mon ombre alors que j'arrive sur le terrain numéro 6 - et l'enfer peut ainsi commencer. On ne m'a pas fait l'affront de me coller avec d'autres recrues - non, moi j'ai carrément droit à un instructeur perso, qui m'envoie direct faire des tours de terrain... pour toute la séance. J'ai pas fait ça depuis... des années, en fait, et je suis obligé de découper mon temps entre phases de course et phases de récupération, sinon je vais jamais tenir le coup. Et encore heureux, mes poumons sont artificiels et bien plus performants que ceux d'un être humain lambda...

La journée s'écoule à la vitesse de la lumière - la musculation, ça va, j'en fais quasiment tous les jours chez moi, de toute façon, par contre au niveau des étirements, je suis raide comme un manche à balais, et ça ne risque pas de changer. La théorie est d'un ennui mortel, et au tir, je m'ennuie aussi... mais juste parce que à ce niveau là, j'ai rien perdu, et avec ma vision, je peux dégommer n'importe quelle cible, avec n'importe quelle arme dans les mains. C'est à partir du déjeuné que les choses se corsent - je n'ai aucun appétit malgré ou peut-être à cause de ma matinée bien remplie... La nourriture me pèse sur l'estomac, et en même temps, même si je me suis forcé à avaler quand même trois bouchées, c'est tiède, c'est fade, je ne sens pas le goût des aliments, bref, mon absence de goût et d'odorat n'aide clairement pas à me mettre en appétit.

Sauf que sans manger, la suite du programme m'épuise un peu plus que prévu - ma séance de corps à corps tient plus du réflexe et du miracle que de la réelle maîtrise, et j'encaisse même quelques coups, alors que je suis plutôt imbattable normalement. Heureusement, je ne reprends aucun coup sur le visage - j'ai déjà la lèvre bleue et le contour de l'œil jauni, ça ira, pas besoin d'ajouter de la déco. A la fin de la journée, je suis au bout de ma vie – quand vient l'heure du bilan de la journée, j'ai complètement oublié tout ce que j'ai vu ce matin en théorie, et je ressors par réflexe de vieilles connaissances tactiques qui me sauvent de justesse. J'ai eu la stagiaire dans mon ombre quasiment toute la journée, alors quand je l'entends m'emboîter le pas dans les couloirs alors que je quitte ma salle d'examen, je ne peux retenir un soupir excédé.

- Vous comptez me poursuivre jusque dans les douches, miss Barns ?... interrogeais-je avec un mélange d'agacement et d'ironie, tout en lui jetant un regard par-dessus mon épaule.

Je compte bien profiter des vestiaires et des douches de l'armée avant de partir - je suis KO, j'ai sué toute la journée, je ne demande qu'une bonne douche chaude et des fringues propres avant de pouvoir rentrer chez moi.