92 - CALIANE

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Elle... elle n'a vraiment pas froid aux yeux, quand même. J'aurais pu réagir beaucoup plus violemment, j'aurais pu m'énerver, j'aurais pu... faire beaucoup de choses que j'aurais regrettées ensuite. Mais je ne fais rien de tout ça, et je me contente de détourner le regard, à cours de mots. Cette question me blesse profondément - et en même temps, je sais qu'elle ne l'a pas dit pour ça. Mais quand même... elle me blesse, parce qu'elle est légitime. Parce que je suis dangereux, parce que j'ai déjà tué.

Mon amnésie traumatique me protège du souvenir de ce jour là, et de toute

façon le virus de l'Hydre a occulté ma vision et mon ouïe dès qu'il a eu pris le contrôle... mais mes caméras oculaires étaient activées, et je sais qu'à l'autre bout du fil, mon équipe d'assistance a distance à pu assister à toute la scène. A pu voir tout ce que j'ai fait ce jour là. Et je sais aussi que quelque part dans les archives, dans les dossiers classés secret défense, une copie de cet enregistrement prend la poussière mais existe encore. Que la preuve de ce que j'ai fait est toujours là, quelque part, à jamais inaccessible pour moi. Et ça me fait mal... terriblement mal rien que d'y penser.

La jeune femme s'excuse, mais le mal est fait - ce qu'elle me dit... me fait du bien, mais pas assez. Rien ne sera jamais suffisant pour me faire oublier ce que j'ai fait, contre ma volonté ou non. Heureusement, on change rapidement de sujet, et c'est son tour d'être prise au dépourvu - y'a des jours, comme ça, où on aurait tous les deux mieux faite de rester chez nous. Mais son sourire alors qu'elle me remercie vaut quand même le déplacement. Ouah... je pensais pas lui arracher une telle réaction... mais on dirait bien que je viens de m'auto désigner comme son chevalier aux araignées, ou quelque chose du genre. Et évidemment, dès que je lui propose de venir me tripoter, sa bonne humeur maladive est de retour. C'est dingue ça, mais ça marche à tous les coups... je ne comprendrais jamais quel plaisir aussi intense elle peut retirer du simple fait que je l'autorise à venir revisser trois plaques sur un de mes bras. Mais bon, si y'a que ça pour lui faire plaisir...

Je la relève en reculant simplement d'un pas - si d'aventure j'avais tiré trop fort pour la relever, j'aurais aussi bien pu lui arracher le bras. Mais je connais ma force et je suis habitué à la doser, et je la regarde alors qu'elle s'époussette avec minutie - moi je ne me donne pas cette peine, c'est déjà pas mal que j'ai pensé à ramasser mes mégots. J'ouvre le chemin dans les couloirs, et je ralentis pour laisser l'étudiante marcher à ma hauteur – elle n'est pas petite, mais à côté des miennes ses enjambées restent ridicules. Faut dire que dans leur empressement à me bourrer d'hormones de croissance, les scientos avaient un peu forcé la dose... mais j'avoue que c'est une des erreurs que je ne regrette pas. J'aime bien être grand.

- Tout va bien, miss Barns, répondis-je, pas dupe une seconde. Je préfère l'atelier d'Eldridge... j'y suis habitué, ajoutais-je pour me justifier.

Je ne veux pas offenser l'étudiante, elle a cru bien faire... mais justement, après ce qui vient de se passer, j'ai besoin d'un environnement stable, connu, habituel.

- Est-ce que, euh... Eldridge... il va bien ?... demandais-je quand même à la jeune femme, un peu hésitant, sans oser la regarder, penaud.

M'en prendre à Eldridge... fallait bien que ça arrive un jour, mais je me sens mal quand même. Comme avec Ross, c'est peut-être les deux seules personnes sur cette foutue terre à vraiment me connaître et me comprendre autant que possible... alors m'en prendre à lui comme ça... J'ai trop honte, et j'espère qu'il n'est pas encore de retour dans son labo. Pour le coup, ça m'arrange que miss Barns finisse le travail...

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant