89- CALIANE

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Je sens son regard sur moi alors que je vante les mérites de ma théorie. Je parie qu'il se demande comment je fais pour rester relativement mince malgré ce que je viens de dire. Ça n'est peut être pas le moment de lui dire que j'oublie tellement souvent de manger que ça doit jouer. Et j'ai un bon métabolisme. Ça aide beaucoup. Le sport c'est pour les autres. J'aime mieux voir les gens faire qu'en faire. Sûrement à cause de mon père et sa conception trop... militaire du sport. Rien de mieux pour vous dégoûter. Je lui lance un regard malicieux histoire de conclure mon point. Dommage que ma plaisanterie sur Ross soit tombée à l'eau mais ça n'a rien de surprenant. Pour le faire rire, faut que je martyrise Carter. Dommage que je ne l'ai pas sous la main. Je fais la moue, je comprends le concept totalement, le monde est tout en nuance de gris mais là... Je lui lance un regard faussement soupçonneux.

- Donc je vous ai appris quelque chose et vous vous moquez de moi ? Hum... On va dire que je vais croire que vous ne faisiez pas que vous moquer de moi. Mais c'est bien parce que c'est vous.

Je ris un peu à la fin pour lui montrer que je me moque juste gentiment de lui et que j'ai compris le message. Il est tout en pixel, et je suis un peu trop binaire. Woh la métaphore de développeur, j'ai encore trop traîner avec eux ! Il refuse mes excuses et je vois son regard se perdre au loin. Et me sortir des inepties. Et un compliment qui me fait bondir de joie intérieurement mais ne m'empêche pas de froncer les sourcils.

- Vous n'êtes pas « cinglé » commandant. Vous êtes un survivant.

Je le pense sincèrement. Je parle aussi bien de ce que je n'aurais pas dû voir que de ce qui s'est passé il y a deux ans.

- Du stress post traumatique, c'est ce que vous avez.

Je sais que je ne me trompe pas.

- Et ça ne fait pas de vous quelqu'un de cinglé mais juste quelqu'un d'humain, je dis doucement sans lâcher ses yeux.

Je veux qu'il voit que je le pense vraiment. Il... se sent coupable ? Culpabilité du survivant ? Non ça a l'air... plus que cela. Il... il a l'air de se sentir vraiment... coupable ?

- Vouliez-vous attaquer ?je demande tout doucement.

Vouliez-vous les tuer ? Je ne pose pas la question. De toute façon je suis certaine de la réponse, ça n'est pas un tueur loin de là. Très loin de là. Enfin pas un tueur d'innocent même si ça n'est pas tout à fait ce terme que je cherche. Il a sûrement dû tuer pour l'armée. Je me comprends c'est l'essentiel. Je réalise soudainement ce que je tente de faire et que ça pourrait... mal finir. Je secoue la tête. L'idée était de lui... remonter le moral. Je vais l'enfoncer à aborder ce sujet.

- Désolée, je pose trop de question encore. Mais j'ai noté que vous reconnaissiez enfin mon génie.

Je lui fais un grand sourire en coin, les yeux pétillant de rire, tentant de ramener le sujet sur un terrain plus sûr. Sans surprise il refuse le second roulé. Un c'est déjà bien. Ça ne m'empêche pas de manger le mien. Le briquet me donne aussi un bon sujet de diversion. Je le prends et j'allume ma cigarette avant de lui rendre le briquet.

- Merci.

Je tire sur ma cigarette avant de souffler la fumée tentant de faire un rond sans aucun succès. Fail

total. Sa question me prend totalement par surprise. Parce que c'est une question personnelle et que jusqu'ici il a mis un point d'honneur à les éviter. Dommage que ça soit sur ce sujet. D'ailleurs il se rétracte rapidement. Je secoue la tête aussitôt.

- Ça... me fait plaisir que vous me posiez des questions personnelles. Ça nous remet à... égalité si je puis dire je vous en ai tellement posé.

Je ferme les yeux, est-ce que je lui réponds ? Je n'ai pas envie de reparler de cela. Je laisse le silence s'étirer pesant le pour et le contre. Finalement je décide de lui répondre. Je sais tellement de choses personnelles sur lui... Beaucoup que je ne devrais pas. Et... il s'ouvre un peu à moi. La confiance c'est dans les deux sens. Et en parler à d'autres fait partie de mes « devoirs » donnés par mon psy.

Je rapproche encore plus mes jambes de ma poitrine même si cette dernière me gêne un peu et je tire sur ma cigarette pour me donner du courage. Je tremble un peu. De froid ! Et puis... même s'il s'est moqué... Il veut savoir. Alors... alors il ne rira pas ? Enfin il m'a demandé ce qui est derrière. Je pourrais juste dire qu'il y a eu un incident. Mais... Je... veux le partager avec lui... Par contre après on parle d'autre chose hein ! J'inspire profondément.

- Il y a 19 ans, la base a subi une invasion d'araignée. Des tas de toutes... petites araignées. Des milliers. Partout.

Je blanchis au souvenir.

- Elles... n'étaient pas venimeuses, plutôt inoffensives en fait. Mais... il y en avait partout partout. A tisser leurs toiles partout.

Je m'arrête, tremblant un peu plus. Toujours de froid ! Pas de peur ! Je n'ai plus peur tant que je n'en vois pas ! Autopersuasion ! C'est le froid ! Ouais je me mens à moi-même... Me souvenir de ça... C'est dur. Et pourtant j'en parle souvent avec mon psy, enfin il m'y oblige mais ça n'est pas pour autant agréable.

- J'étais... enfermée dans ma chambre. Je n'ai pas pu sortir. Il s'est passé six heures avant que l'on ne me sorte de là. Elles étaient partout. Sur... tout.

Je m'arrête encore. J'ai du mal à en parler. Je vois les toiles sur toutes mes affaires. La sensation des pattes sur moi. Des pattes partout. Je me frotte les bras tentant de chasser le souvenir fantôme avant de le regarder en souriant faiblement.

- Mon psy serait content de savoir que j'ai réussi à en parler à un autre que lui.

Soyons positive ! Même si je n'ai pas pu parler de la terreur ressentie et du sentiment d'abandon de ma génitrice...

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant