70 - LEONHARD

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Après la crise de fou rire, c'est le retour de la tension. Enfin, ça reste encore léger, pour l'instant, tant qu'elle n'insiste pas plus que ça on devrait pouvoir s'entendre jusqu'à la fin de l'heure quand même. Peut-être. En attendant, je l'avoue, je m'amuse comme un fou, en fait. Je peux lire sur son visage la dégradation de son état à chaque seconde qui passe, c'est follement distrayant. Je l'avoue, je ne m'étais peut-être pas autant amusé depuis... des années, en fait. Depuis que cette gamine s'est incrustée dans ma vie... je n'ai plus l'impression que le temps qui passe me ronge comme un acide. Je pense un peu moins à la mort, à ce jour là, à tout ce que j'ai oublié à cause du traumatisme.

Ça me fait mal de l'admettre, mais même revenir ici après tout ce temps n'est pas aussi douloureux que je ne l'avais imaginé. Bien sûr, chaque endroit est malgré tout chargé de souvenirs mélancoliques, mais entre mon programme de réinsertion, mes séances avec Ross, l'entraînement des nouveaux amplifiés et mes joutes avec la jeune femme... j'y pense moins, tout simplement. Alors je souffre moins. Moins que quand je ressassais seul chez moi, en tout cas. Mais je ne suis pas encore prêt à l'admettre devant quiconque, et surtout pas en face de Ross, ça lui ferait trop plaisir que j'admette qu'elle a eu raison de me forcer à fréquenter l'étudiante.

Bien calé dans mon fauteuil, je fixe mon regard sur la jeune femme, et je me perds dans mes pensées. La patience, ça me connaît - c'est une des qualités les plus importantes d'un bon leader. Et même si elle s'est considérablement effilochée ces derniers temps, défier la jeune femme me donne le courage de rester stoïque, un demi sourire moqueur sur les lèvres, parce que je sais qu'elle va perdre. Elle me fusille des yeux alors que ses joues rosissent sous l'effort - elle va pas tarder à exploser si elle continue comme ça. Sa remarque m'arrache un froncement de sourcils, et je l'envoie promener d'un grondement dédaigneux - je sais pas qui a eu l'idée de me coller ce cours là, mais franchement, c'est malin tient.

- N'oubliez-pas de respirer, miss Barns, rétorquais-je en guise de réponse.

Elle va craquer. Elle est rouge tomate, tendue comme un ressort, les yeux presque exorbités. Moi, je suis la décontraction incarnée, le calme personnifié. Et puis soudain... quelque chose s'interpose entre-nous. Quelque chose de tout petit, qui tombe du plafond. Juste sous son nez à elle. Elle louche dessus, ce qui aurait pu me faire rire... si elle ne m'avait pas percé les tympans la seconde suivante. La vache !! Tout ce bruit pour une si petite bestiole ??? Interloqué, je ne réagis pas immédiatement... et puis c'est plus fort que moi, j'éclate de rire, pour la seconde fois. Aiiiiiiiie ça fait maaaaaal...

- Oh bon sang miss Barns, qui aurait cru que c'était si facile de vous neutraliser, en fait ?... me moquais-je en me levant avec précaution pour ne pas trop solliciter mes côtes.

Prenant mon temps, riant toujours doucement, j'attrape un des pots à crayons sur le bureau d'Eldridge, et je le renverse avant de me munir d'un papier qui traîne sur le haut d'une pile. Puis je viens tranquillement recueillir la pauvre bestiole directement dans le pot, que je referme avec la feuille de papier.

- Vous voulez lui dire au revoir, avant que j'aille la mettre dehors ?... demandais-je avec un sourire moqueur, me retournant vers l'étudiante recroquevillée sur son tabouret.

Elle a l'air terrorisée... et j'avoue, je devrais avoir pitié d'elle, mais pour une fois que c'est moi qui suit en position de force, j'ai bien l'intention d'en profiter !

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant