Heart's Mechanic - Saison 2

66 - LEONHARD

Je ne me suis pas rasé depuis une éternité, et mon début de barbe claire crisse contre l'orichalque quand je me gratte machinalement la joue. Les poils ça gratte, il serait temps que je dégage ça, mais vu que je suis resté alité un moment et que mes côtes me gênent franchement au quotidien, me raser n'est pas pour tout de suite. Sans parler du côté droit de mon visage, qui se décline en un camaïeu de bleu, de jaune et de violet. Eldridge ne devrait pas tarder à retirer les strips sur mon arcade, mais je sens que je vais garder la cicatrice. Une de plus ou une de moins... je suis plus à ça près...

Barns relève la tête quand j'entre dans le bureau surchauffé, et je file au vestiaire pour commencer à me débarrasser précautionneusement de mes affaires pour ne pas trop solliciter mes côtes douloureuses. La jeune femme s'illumine d'un grand sourire en me voyant, et je me détourne pour me planquer lâchement dans le vestiaire... mais à vrai dire, c'est surtout parce que je ne sais plus comment me comporter en sa présence. Elle a l'air toujours contente de me voir... honnêtement, je sais pas comment je dois le prendre, ça me perturbe, et je n'ose pas en parler avec Ross parce que rien que d'y penser je me trouve ridicule. Comme si une jeune étudiante pouvait en pincer pour une vieille boite de conserve dans mon genre... franchement. Si ça se trouve, c'est une nana de mon quartier qui me dépose les gâteaux.

Ou pas. Vu que j'ai déjà retrouvé un colis secret dans mon casier sur la base.

Raaaah putain !! Heureusement, la réponse de l'étudiante me distrait de mes tortueuses pensées et me remet les pieds sur terre. Réveille-toi Steinberg et arrête d'être ridicule !! Quand je me retourne, la jeune femme fait une légère moue - elle prend sans doute mal mon manque de confiance en elle, mais eh, elle a déjà de la chance que je sois pas encore parti en courant ! Quand elle me dit pour la prothèse, je cligne des yeux, une fois, deux fois... et puis j'éclate de rire. Avant d'enrouler un bras autour de mes côtes, m'étranglant à moitié de douleur.

- Argh... vous êtes... redoutable, miss Barns, à tous les sens du terme, grimaçaisje, mi-gémissant mi-riant.

La conne, me faire rire avec mes côtes dans cet état !!... Remarque, ça m'a vite calmé. J'y crois pas, elle maltraite Carter et Eldridge ne l'a pas encore renvoyée... pourtant, il ne plaisante pas sur son professionnalisme, d'habitude. Mais du coup, j'ai l'impression que tout le monde est de mon côté sur ce coup là... et étrangement, ça me fait un bien fou, et j'oublie un instant la douleur qui me scie en deux. Je sais que l'histoire de mon passage à tabac à fait le tour de la base, et que je suis vu par beaucoup comme le sauvage incontrôlable qui a démonté le « pauvre » Carter en visite... mais moi, je sais très bien ce qu'il en est, et je sais qu'il mérite tout les coup reçus et plus encore. Mais ni Eldridge, ni miss Barns n'étaient avec nous ce jour là, au cours de cette mission... aucun d'entre eux n'est obligé de me croire sur parole - et quand je dis parole, c'est les trois mots que j'ai concédé à cracher. Alors une preuve aussi stupide de leur dévouement... ça me fait chaud au cœur malgré moi.

Et la voilà qui recommence à se sentir pousser des ailes. Sans rajouter un mot, je me détourne du vestaire, et je m'assieds... dans le siège en face du bureau d'Eldridge. La dernière fois, c'était un cas de force majeure, Eldridge ne risquait pas de revenir avant plusieurs heures - là, je sais pas ce qu'il est parti faire, mais on va l'attendre cinq minutes. Je lève le menton, répondant au défi de la demoiselle par un autre défi - ose me forcer, pour voir.