82 - LEONHARD

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Je relève la tête lorsque la voix de la jeune femme me parvient depuis le couloir - la vague de soulagement qui déferle sur moi me donne l'impression d'avoir ingéré une seconde dose de calmant. Encore plus corsée que la première. Eldridge esquisse un léger sourire... et se fige de surprise lorsque la jeune femme se jette sur lui pour le serrer dans ses bras. Passé le premier instant de surprise, il se détend et rend une étreinte un peu plus professionnelle à la jeune femme - mais il comprend son geste, et ne relève pas pour cette fois. De mon côté, les effets du sérum se sont dissipés, et je me suis rhabillé pour sortir - Ross m'a autorisé à sortir fumer. J'ai besoin d'être un peu seul, de prendre un peu l'air, et heureusement la psy m'y autorise sans hésiter. Quant à elle, elle prend la direction de la salle de repos, et rentre à l'instant où miss Barns exprime ses inquiétudes.

- Il ira bien, miss Barns, ne vous en faites pas, répond Ross en entrant dans la salle de repos. Ça va Cooper ?... demande Ross avec compassion. Tu devrais aller faire un tour du côté des urgences, prendre quelque chose pour t'aider un peu, suggère t-elle gentiment. Et pendant ce temps, je souhaiterais parler un peu avec miss Barns, si tu permets.

- ... Très bien Isabella. Je ne serais pas long.

Le médecin se lève, clairement las de sa journée, et Ross contourne la table pour venir s'asseoir en face de l'étudiante. Elle remet ses lunettes en place du bout de ses longs doigts fins aux ongles manucurés, et croise ensuite ses mains devant elle sur la table.

- J'espère que ça ne vous ennuie pas que nous parlions un peu, toute les deux, commence la psy d'une voix douce. Mais, puisque vous allez être amenée à fréquenter pendant encore un moment un de mes patients les plus difficiles – je pense que vous savez de qui je parle - il serait grand temps que nous ayons une petite conversation à ce sujet.

Miss Barns... je ne sais même pas par où commencer, soupir la psy en se reculant sur le dossier de sa chaise. Je ne veux pas avoir l'air de vous gronder ni de vous prendre de haut - considérez s'il vous plaît cette discussion comme elle est, c'est à dire complètement informelle. Mais j'ai besoin que vous entendiez certaines choses, à propos du commandant, et à propos de certaines... erreurs que vous pouvez commettre sans le vouloir, mais qui peuvent être regrettables.

Je sais que le commandant Steinberg n'est... pas facile, pour le dire simplement. Et j'approuve totalement votre nouvelle présence dans son entourage immédiat - vous êtes fraîche, dynamique, intelligente et caractérielle, exactement ce qu'il lui faut pour le secouer un peu. Mais, justement, parfois, emportée par votre passion... il vous arrive d'oublier que c'est quelqu'un de malade. Et à vrai dire, avec ce qu'il vous a fait subir, vous devriez le savoir mieux que personne...

Il ne se remettra jamais de ce qu'il a fait, il y a deux ans. Il est quasiment a lui tout seul la raison de l'interdiction totale pour les amplifiés de fréquenter le Quartier Est. Les dégâts matériels occasionnés ce jour là sont inestimables, quand aux pertes humaines... aucune équipe du génie civil ne pourra jamais rien pour eux.

Je voudrais à présent revenir sur cet épisode avec l'araignée. D'ailleurs, si vous désirez en discuter avec moi à l'occasion, je serais toujours disponible pour vous mademoiselle. Mais... vous lui avez demandé de la tuer, n'est-ce pas ?... Ce n'est pas votre faute, Caliane - je peux vous appeler Caliane, n'est-ce pas ?... - mais il s'est forcément senti visé par cette demande. Aujourd'hui, notre société traite les amplifiés comme des parasites... les gens ont peur d'eux, et voudraient les voir disparaître. Je sais que c'est compliqué... soupire t-elle en fermant les yeux une seconde. Mais, sans aller jusqu'à surveiller le moindre de vos faits et gestes en sa présence... essayez juste de vous rappeler... qu'il n'est tout simplement pas aussi solide que l'acier de ses greffes, lâche la psy en esquissant un léger sourire.

Mais je compte sur vous pour continuer à le secouer un peu - ça lui fait du bien, d'avoir quelqu'un qui justement, ne le traite ni comme un patient, ni comme un cobaye, ni comme une machine, ni comme un soldat. Vous êtes naturelle avec lui... comme ça ne lui est plus arrivé depuis longtemps. N'hésitez jamais à le faire un peu sortir de sa coquille... simplement, je sais que c'est compliqué, mais veillez à ne pas dépasser certaines limites, dont je suis certaine que vous avez déjà conscience, en plus. Tout ceci d'avantage pour votre propre bien que le sien... il est malheureusement impossible aujourd'hui de prédire ses réactions futures. Nous sommes d'accord, Caliane ?... demande la psy en souriant.

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant