86 - LEONHARD

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Je suis tellement perdu dans mes pensées que je n'ai pas entendu que quelqu'un approchait, sinon j'aurais déguerpis avant qu'on ne me voie. Mais la porte s'ouvre et m'arrache un sursaut, et je relève les yeux sur... miss Barns. Je détourne immédiatement le regard - eh merde. Qu'est-ce qu'elle fiche ici ??... J'ai pas besoin qu'elle vienne m'en remettre une couche. Pas tout de suite. Pas maintenant. Mais la jeune femme se contente de pousser mes mégots du bout de sa chaussure, tout en faisant son habituel commentaire sur mes cigarettes... avant de s'asseoir à côté de moi.

... Vraiment ?... Je l'observe sans comprendre - elle... elle se comporte comme s'il ne s'était rien passé. Comme si de rien était. Elle... à quoi elle joue ?... Je regarde la boite de roulés, sans trop savoir si elle ne m'en veut vraiment pas, ou si elle a juste décidé de passer outre parce que ce n'est pas le moment - hésitant, je prends malgré tout un roulé. Parce que c'est vrai qu'ils étaient vraiment bons, en fait.

- C'est une théorie... intéressante, répondis-je, le regard dans le vague.

Et c'est clair que c'est sans doute un peu plus sain que ma thérapie perso, qui combine whisky, clopes et antidépresseurs. Les roulés sont un peu moins sucrés que la dernière fois, et c'est tant mieux, ils sont moins écœurant comme ça. Je n'ai absolument pas faim... mais le goût riche et profond de la cannelle par-dessus celui plus âcre de mes cigarettes me fait complètement oublier l'arrière-goût métallique constant sur ma langue, et même si ce n'est que temporaire... ça me réconforte, un peu. Un silence curieusement confortable retombe - sa présence... ne me dérange pas, en fait. Je termine le roulé à la cannelle, et j'allume encore une cigarette - j'essaye de souffler la fumé à l'opposé de là où est miss Barns... qui très vite reprend la parole. Je tourne la tête pour la regarder parler. Mais où elle va chercher tout ça ?...

Malgré moi, l'incongruité de sa remarque m'arrache un léger rire, un peu étranglé.

- C'est fascinant, miss Barns, murmurais-je, l'ombre d'un sourire aux lèvres. Fascinant...

Je ne mérite pas la gentillesse de cette fille. Même après ce que je viens de faire, elle est là, à se peler dans le froid pour venir me réconforter. Alors que c'est moi le monstre, c'est elle qui devrait être réconfortée. Ma gorge se noue, je tire sur ma cigarette comme si je voulais l'avaler.

- Je... suis désolé, miss Barns. Pour tout. Pour l'araignée... j'aurais dû comprendre. J'aurais pu... réagir plus vite.Je suis désolé, répétais-je, le regard fixé sur le bout de mes rangers.

S'il y a une chose que Ross m'aura bien apprise en tout cas, c'est l'importance de ne pas avoir peur de s'excuser. Mais depuis Hydra, j'ai l'impression de devoir passer mon temps à m'excuser, simplement parce que j'existe. Pour ce que j'ai fait, même si je n'en suis en rien responsable. Et pour tous les effets secondaires que ça a engendré dans mon esprit mutilé. C'est... épuisant, à force. Mais je suis tellement habitué maintenant que m'excuser sincèrement ne me demande plus le moindre effort. Je suis juste... fatigué.

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant