63 - LEONHARD

64 5 0
                                    

Je tuerais pour avoir mon propre véhicule. Mais tout comme mes armes, ils me sont interdits à cause de mon état mental instable... faudrait pas que me vienne l'idée de foncer contre un mur à l'occasion, ce serait dommage, je risquerais de bousiller les milliards d'investissement que je représente. Et ça c'est trop ballot. Sans compter que les véhicules adaptés à mon taux d'amplification ne sont pas légion - mais je me rappelle de la Jeep que je pouvais conduire en mission... Et oh, ma moto aussi... je l'adorais, et j'avoue qu'elle me manque. Mais outre mon état, il y a aussi la quantité astronomique de médicaments que je prends, qui ont leur comptant d'effets secondaires qui rendent inapte à la conduite d'un véhicule.

C'est pourquoi je suis encore en train de me faire secouer dans une rame de métro quasiment déserte, à maudire le ciel et l'enfer à cause de mes côtes douloureuses. Heureusement, le quartier autour de la base est loin d'être le plus fréquenté de New-York, et je n'ai jamais à me serrer contre des civils surexcités dans les transports, ce à quoi mes nerfs fragiles ne survivraient jamais. Ça fait plus d'une semaine maintenant que j'ai démonté la tronche de Carter - il est encore à l'hosto ce con, apparemment la nouvelle prothèse pour son genou s'est perdue deux ou trois fois... et je soupçonne miss Barns de ne pas y être pour rien. D'ailleurs celle-là... je ne sais pas à quoi elle joue, mais je la trouve à la fois touchante et incroyablement agaçante. Elle croit que j'ai pas deviné son petit jeu peut-être ?...

Elle peut pas aller draguer un minet de sa promo non ?... Franchement, c'est pitoyable. Honnêtement, je ne sais pas comment prendre toutes ces marques d'attention répétées - et sans parler de Noël... bref. Mais... ça me gêne, un peu. En partie parce que je ne suis pas certain de comprendre le message qu'elle essaye de me transmettre - est-ce qu'elle en pince pour moi ?... Est-ce qu'elle veut juste me mettre dans sa poche pour que je sois un bon cobaye pour son mémoire ?... Est-ce qu'elle essaye de se faire pardonner sa brusquerie ?... Un peu tout ça à la fois ?... J'en sais trop rien, et ça me perturbe plus qu'autre chose. Résultat, je pense bien plus à elle que je ne le voudrais - j'ai même pas encore jeté le gâteau au citron, qui était pourtant immangeable. Mais les rouleaux à la cannelle étaient vraiment pas mal... j'avais pas mangé quelque chose d'aussi sucré depuis une éternité. Mais bon, à en croire Eldridge, j'ai quasiment dix kilos à reprendre, un peu de sucre ne peut pas me faire de mal...

Je grimace alors que je me lève - je descends au prochain arrêt, et chaque mouvement est toujours douloureux. Mais au moins, j'arrive à respirer sans trop de gêne, et surtout, je ne suis plus malade, et ça, c'est un grand plus dans mon existence. Et tant mieux, parce qu'une fois n'est pas coutume, mais je suis content de venir me faire réparer - les plaques déformées du blindage de mes bras grincent un peu, et au quotidien avec l'ouïe que j'ai, c'est juste insupportable. Vivement la mise en place des nouvelles, surtout que ça va prendre dix minutes chrono !

Je ne suis pas venu ici durant quasiment une semaine, et j'ai recommencé mon programme d'insertion il y a deux jours à peine. Je ne peux rien faire de physique, mais je dois venir aux cours théoriques et superviser l'entraînement des nouveaux amplifiés. Je les guide de loin, ils savent maintenant comment je fonctionne, et même si je ne suis plus parmi eux sur le terrain, on révise tout ce qu'on avait eu le temps de voir jusque là, et c'est pas du luxe. Et j'ai une putain de nouvelle matière, « pédagogie » ou une merde du genre, j'ai jamais vu ça j'ai l'impression d'être de retour à l'Académie ! Comme si j'avais besoin de prendre des cours de pédagogie pour entraîner des putains de soldats, franchement !! On a jamais vu ça...

Ma démarche est loin d'être aussi fluide et énergique qu'à l'accoutumée, mais au moins, je ne me traîne plus comme une vieille limace - je passe vite fait les contrôles - les gardes ne s'étonnent plus de me voir arriver maintenant – puis je prends la direction de l'aile médicale, où je pourrais me rendre les yeux fermés. Les mains dans les poches, le col remonté sur l'écharpe enroulée autour de mon cou, le bonnet descendu jusqu'aux yeux, je suis emmitouflé comme une vieille mamie, mais j'ai été assez malade sur toute la période de Noël, et c'est jamais très bon pour quelqu'un avec autant de greffes que moi. J'arrive dans le bureau d'Eldridge et je rentre sans frapper. La miss est installée au petit bureau que le docteur a fait ajouté pour elle, et je la salue d'un grognement irrité. Je suis obligé de lever un peu les bras pour enlever mon bonnet, et ça, c'est clairement le pire pour mes côtes.

- Miss Barns. Le docteur vous laisse encore me bricoler sans surveillance ?... demandais-je, un peu méfiant malgré moi.

C'est pas parce qu'elle s'en est pas trop mal sortie une fois qu'elle a gagné ma confiance aveugle et totale.

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant