84 - LEONHARD

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La jeune femme n'a aucune envie de discuter, c'est écrit sur son visage, mais Ross s'assied et tente le coup quand même. Elle sait qu'elle a affaire à une jeune femme intelligente et raisonnable - elle ne voudra sans doute pas entendre tout de suite... mais Ross lui fait confiance pour repenser à cette conversation lorsque ce sera opportun. La psy déchiffre les expressions de la stagiaire au fil de la conversation, et essaye d'adapter son ton et son langage corporel pour conserver son attention et ne pas trop la braquer.

- Oh, non miss Barns, ce n'est pas ce que je voulais dire, s'empresse de corriger Ross. Ce n'est pas à vous de vous excuser... pour rien. C'est surtout pour vous aider, que je vous ai dit ça... pour essayer de vous donner quelques clefs sur le comportement du commandant, qui n'est pas toujours évident à suivre. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps... merci de votre écoute et de votre patience, sourit Ross, tout en se relevant en lissant sa blouse. Le commandant Steinberg est sorti fumer... si vous souhaitez aller lui parler, il est... calme, maintenant. Bonne fin de journée, miss Barns, au revoir.

Et elle quitte la pièce, accompagnée par le bruit de ses talons sur le lino. Elle a fait de son mieux pour essayer de parler avec l'étudiante sans pour autant la traiter comme une patiente, mais elle sent bien que sa technique n'est pas encore tout à fait au point - qu'à cela ne tienne... au moins, son message est passé. Moi, je me suis installé contre le mur à côté de la porte, les genoux ramenés contre moi, le col relevé et l'écharpe enroulée autour du cou. Un tapi de mégots jonche déjà le sol autour de moi, mais je regrette surtout de ne pas avoir pris mon bonnet - une légère bise me ramène des mèches blondes dans les yeux, et j'ai la flemme de la ramener en arrière.

Je ne veux pas retourner tout de suite affronter Eldridge, ni miss Barns - surtout miss Barns, en fait. J'ai tellement honte... elle doit penser que je suis bon pour l'asile. Que je suis complètement fêlé. Ce qui est complètement le cas. A cet instant, je regrette tout ce que j'ai pu dire ou faire de violent ou méchant en sa présence ou à son intention - je ne veux pas être considéré comme un monstre, et en même temps, je suis juste incapable de me comporter comme quelqu'un de normal. C'est pathétique. Seul dans le froid, l'air frais m'a un peu éclairci les idées, mais j'ai froid, et je me sens plus seul et plus misérable que jamais. A quoi bon ?... A quoi bon tout ces efforts pour me rendre présentable, à quoi bon ce maudit programme de réinsertion. Je suis un danger pour quiconque me fréquente d'un peu trop près.

Je veux rentrer chez moi, et plus jamais en sortir. J'essuie rageusement une larme qui a coulé sur ma joue - eh merde, c'est pathétique. Pour la peine, je m'allume encore une clope, je sais plus à combien j'en suis, quelque part entre la cinquième et la huitième. Je devrais rentrer, laisser les gens faire leur boulot sur moi, mais pas encore... pas tout de suite. Mon arcade ouverte me fait un mal de chien en plus - alors que ça s'était bien refermé... pour le coup, c'est sûr et certain, je garderai la cicatrice. Ross a essuyé le sang avant de me laisser sortir, mais je sens que la plaie fraîche suinte un peu. Peu m'importe... je ne veux pas rentrer. Je voudrais juste... disparaître.

Heart's Mechanic - Saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant