Chapitre 1

9.4K 366 13
                                    

Bonjour ! Je vous retrouve pour cette nouvelle histoire : "Effervescence". J'espère qu'elle vous plaira. N'hésitez pas à me faire part de vos retours ! Bonne lecture !

L'animation règne dans la rue. Le vingt décembre. Le froid a envahi la ville. De petits flocons de neige volettent doucement au sol. Des familles et des couples visitent les boutiques, à la recherche des derniers cadeaux de Noël. La foule forme des allers et venus désordonnés. Et au milieu de ce raz-de marée brouillon, une femme. 

Une femme immobile, debout devant l'entrée d'un centre psychiatrique. Elle observe sans vraiment voir, perdue dans ses pensées. Cinq ans qu'elle n'est pas sortie librement dans la rue. Pour peu, cette liberté retrouvée l'effrayerait presque. Plus personne pour lui dire où aller et à quelle heure. Plus personne pour lui dire comment occuper ses journées. Elle est perdue parmi tous ces inconnus qui laissent indécemment échapper leur joie. Emmitouflée dans sa grosse écharpe, le teint pâle, la jeune femme tente de reprendre contenance. Son objectif est toujours le même que les cinq années passées : occulter tout ce qu'elle pourrait ressentir. Elle est maigre, cette femme. De grosses cernes descendent sous ses yeux gris. Sa longue tresse brune descend jusqu'à ses hanches.

Un gros soupir s'échappe de sa bouche, formant au passage une volute de brume chaude dans l'air glacé. Il est temps. Elle a retardé cette épreuve au maximum, mais elle ne peut désormais plus fuir. Fébrile, elle tape le numéro tant redouté sur son téléphone. Au bout de plusieurs sonnerie, elle entend enfin une réponse.

-Allo, Maman ? prononce-t-elle en tentant de ne pas trop montrer son émotion.

-Rosa ? Alors, ça y est, tu t'es enfin bougée pour sortir de ta stupide maladie ? Il t'aura fallu un sacré temps pour songer à faire autre chose que de ruiner ta vie.

Sa voix était sèche, rude. Rosa avala péniblement sa salive devant la claque que venait de lui mettre à distance sa génitrice. Ses parents n'avaient jamais compris sa maladie qui avait pourtant failli la tuer. Ils ne l'avaient jamais comprise tout court. Elle n'attendait pas d'autre réaction de la part de sa chère mère toujours égale à elle-même. Au moins, il était à présent plus simple de revêtir son habituel masque d'insensibilité. 

-Ravie de t'entendre aussi, Maman... marmonna-t-elle.

-Sache juste que si tu veux revenir à la maison, ton père ne risque pas d'être très accueillant. Ton centre médical nous a coûté une somme faramineuse. 

-Ne t'inquiète pas, je n'ai pas l'intention de revenir, dit sèchement Rosa avant de raccrocher au nez de sa mère.

Voilà qui était fait. Comment avait-elle pu imaginer un seul instant que ses parents auraient changé en cinq ans d'absence ? On ne change pas ce genre de personnes aussi bornées. Avec le temps, elle avait appris à se prendre des remarques blessantes de leur part. Après quelques longues inspirations pour calmer sa colère, elle marcha en direction du centre-ville. Elle venait d'affirmer qu'elle ne rentrerait pas à la maison familiale mais elle n'avait pas d'endroit où loger. Seulement une somme d'argent très restreinte et aucune connaissance. Pour l'instant, son manteau lui tenait chaud mais dans quelques heures, la nuit s'abattrait sur la ville et il était inenvisageable de rester dehors par ce froid.

Elle allait se débrouiller. Seule. Comme d'habitude. 

La jeune femme parcourut la ville à la recherche d'un hôtel abordable, tout en sachant que son budget ne lui permettrait de rester qu'une nuitée si elle souhaitait se payer un appartement au loyer peu cher. Pour ce qui était des autres dépenses, elle verrait quand elle aurait un travail. Elle pénétra timidement dans un petit bâtiment miteux. Ici, le prix d'une nuit ne devait pas être bien haut. Une femme à l'air insupportable l'interpella. Rosa sentit son cœur s'emballer, anticipant le fait qu'elle allait encore partir en vrille, plus ou moins consciemment.

-Vous désirez ? demanda l'hôtesse sans même la regarder.

-Une chambre pour une nuit. La moins chère.

La femme leva des yeux plissés, l'observant comme si elle était de la vermine. Rosa détestait être détaillée de la sorte, mise à nu.

-J'espère que vous avez de quoi payer...

-Si je vous le demande, c'est que j'ai de l'argent. Apprenez à vous occuper de vos fesses avant de me faire la leçon ! Pauvre femme mal baisée...

Elle lui arracha la clef des mains en plaquant un billet sur le comptoir. Ses poumons la brûlaient en montant les escaliers. Elle avait recommencé... Pourquoi agissait-elle ainsi !? Cette femme était en droit de le lui demander. Mais dans ces moments, Rosa ne contrôlait plus rien. Les paroles sortaient avant même qu'elle n'en ai pris conscience. Tout le monde avait raison en la traitant de la pire des garces. C'est ce qu'elle était. Une larme silencieuse coula le long de sa joue alors qu'elle découvrait les quatre mètres carrés qui lui serviraient de chambre pour la nuit. Elle planta ses ongles dans son bras déjà malmené. Cette douleur était méritée. 

Elle écuma les annonces sur internet à partir de son portable. La priorité était de trouver un logement. Une en particulier attira son attention. Un grenier sous les toits d'un vieil immeuble. Le loyer était quasiment ridicule. Absolument parfait ! Trois mails plus tard avec le propriétaire, une visite du lieu était organisée pour le lendemain. Il restait seulement un travail à obtenir. Les lieux où postuler étaient restreints étant donné qu'elle n'avait aucun diplôme. Un grand merci à ses chers parents... Elle tomba néanmoins sur un entretien d'embauche organisé également le lendemain avec à la clef un travail de secrétaire pour une gigantesque et récente boîte d'édition. La chance lui souriait peut-être enfin ?

~~~

-Et c'est ainsi que l'édition va bientôt faire parti des six grands secteurs de l'entreprise Williams ! 

Aras Williams acheva son discours devant l'assemblée qui applaudissait en levant son verre de champagne. Une nouvelle page de son entreprise se tournait. Grâce à cette acquisition, le jeune entrepreneur espérait accroître son influence internationale, apportant d'innombrables avantages. Les autres chefs d'entreprise, principalement des concurrents, se pressaient devant lui pour lui adresser leurs hypocrites salutations. Son frère Aspen le rejoint quelques minutes plus tard.

-Félicitation, ton discours était la perfection incarnée. Comme d'habitude. En revanche, je ne comprends toujours pas pourquoi tu insistes pour que nos concurrents assistent à ce genre d'annonce. 

Aras ricana en déposant son verre sur une table.

-J'adore voir leur tête lorsqu'ils se rendent compte que je leur suis encore passé devant.

Trois secondes de silence durant lesquelles son frère ouvrit de grands yeux.

-Bien sûr, j'aurais dû m'en douter... soupira-t-il. Toi et ton habituel sadisme.

-Surveille tes paroles.

-C'est pourtant la vérité. Et je crois me souvenir que tu fais passer les entretiens pour les employés de ta nouvelle boîte d'édition demain ? Je plains ceux que tu vas embaucher.

Aras avait pris l'habitude de régulièrement prendre la place d'un de ses subordonné pour faire passer les entretiens d'embauche. Il ne pouvait se permettre d'embaucher des incompétents. Et cela lui permettait d'avoir un constant contrôle sur l'ensemble de son entreprise.

-Si j'en embauche ne serait-ce qu'un seul... 

EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant