*Chapitre 1*

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BRUME


ASTEROIDE 345Z2, ANNEE 2100 SUR TERRE

- Brume ? Tu es prête ? me demanda pour la quatrième fois Mandragore, au travers du micro branché dans la salle de contrôle : ses yeux parcouraient avec appréhension le poste de commande devant elle. Grâce à ma vision plus nette que la moyenne, je distinguais ses mains trembler.

- Oui ! répondis-je, enjouée, pour la quatrième fois aussi.

Et j'étais sincère, car aujourd'hui était une excellente journée, un véritable tournant dans ma vie, car je repartais sur Terre, après seize longues années d'absence ! Moi, Brume ! Je quittais les salles monochromes aux murs et carrelage blancs, privées de fenêtres. Finis les entraînements, les contrôles sanguins, les examens, les cours de langues pour savoir parler français, anglais, italien, espagnol, etc...

Terminés, les cours de sciences ennuyants où Mint prenait sa voix de professeur des écoles (très peu convaincante), où je devais apprendre toutes les plantes existantes sur Terre. Vu que ni Mint ni Mandragore ne savaient exactement à quel endroit j'allais atterrir, mieux valait prévoir tous les cas de figures.

Malgré le fait que Mandragore m'ait dit plusieurs fois que c'était très utile, cela m'avait toujours profondément ennuyée. Sincèrement, à moins de me retrouver sur le haut d'une montagne, je ne verrais jamais le narcisse des poètes (une variété spéciale de narcisse que l'on trouve uniquement dans ce genre d'endroit) ou la clématite des Alpes !

Néanmoins, comme je ne voulais pas mettre Mandragore en colère, je ne le disais pas souvent. Croyez-moi, personne ne veut vivre une colère de mon institutrice : lorsque cela se produit, je vous assure qu'elle a des similitudes frappantes avec un taureau furibond.

A cette pensée, je souris : je me revoyais, seule, à ma table, contemplant des dizaines de photos de toutes les couleurs représentant une variété impressionnante de paysages terrestres. Ainsi que mon envie de les coller partout sur les murs pour leur donner de la vie, ou encore Mandragore armée de sa brindille de métal, qui me montrait les fleurs les unes après les autres, en disant de sa voix d'un sérieux inébranlable : « C'est quoi, ça ?» « Et ça ?».

Et moi qui répondais, obéissante : « belladone », « tournesol » ou encore « aubépine ».

Cela dit, mon enseignement ne s'était pas limité seulement à l'apprentissage des végétaux ou à un entraînement intensif en arts martiaux. En effet, on y trouvait aussi les pierres précieuses et tout un tas d'autres chose. Ces différentes disciplines m'étaient enseignées par Mint, mon deuxième instructeur, au caractère aussi peu malléable qu'une planche d'acier. Cela dit, j'avais appris à l'apprécier, tout comme Mandragore.

Maintenant, je ne pouvais me passer d'eux, et malgré ma joie de partir, je me sentais très nostalgique. Une partie de mon être, la minuscule partie qui avait peur de la Terre, et de que l'on pourrait y trouver, me disait de rester, à l'abri et choyée. Toutefois, cette option n'était pas envisageable, autant pour moi que pour ceux qui comptaient sur moi.

Et puis, mon envie de découvrir le monde était bien plus grande. Si je restais, je le ferais par peur. Or, la peur, ce n'était pas pour moi, que ce soit ici ou sur Terre.

Ici, ou l'astéroïde 345Z2, si vous préférez. Un nom assez mécanique pour une pierre sans atmosphère respirable qui me permettait quand même de survivre convenablement depuis plus de seize ans.

J'étais arrivée ici tout bébé. Par conséquent, je n'avais jamais posé le pied sur Terre, au sens littéral du terme. En y repensant, je n'avais jamais posé le pied sur n'importe lequel de mes endroits d'adoption, à vrai dire...

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant