Chapitre 64

24 2 0
                                    

Effarée par la vision d'horreur qui suintait comme un liquide toxique devant mes yeux, je restai quelques secondes immobile, dans l'incapacité totale de bouger ne serait-ce que le petit doigt. 

Elle était là, et la simple image de sa bouche ouverte pour pousser un cri inhumain, ses griffes tachées de sang, ses vêtements métalliques explosés de rouge, ses yeux pleins de haine me donnait la nausée. Je me fis la réflexion qu'elle était bien pire qu'une Chimère, en fin de compte. 

Pourquoi la SYNE avait créé un être aussi abject que celui-ci ? Il venait de tuer un Homme, un HOMME ! Il était plus le complice des Chimères que notre sauveur à tous ! Quelle catastrophe !

En contemplant, les yeux pleins de larmes, la tête du jeune homme à peine plus âgé que moi figée dans une expression de surprise, une nouvelle idée prit possession de mon esprit. Indémêlable, elle me criait : " TUE-LE ! TUE-LE !" 

Si quelques minutes auparavant, je ressentais une pointe de pitié pour le monstre massacré à l'air torturé, elle s'était totalement dissoute. Déjà quand elle avait attaqué Wings, ensuite quand elle avait tué. Tuer des innocents était synonyme de lâcheté, d'impuissance, de folie. Ce n'était pas pardonnable.

Je serrai les poings, tout mon être se crispa, muscles bandés et prêts à combattre, mes yeux s'assombrirent. Elle allait mourir. Tout de suite. 

Je dégainai mes armes, faisant exprès de produire un bruit pour attirer son intention. Cela fonctionna, elle se désintéressa de la mère avec la petite fille que nous avions secourue tout à l'heure. 

Ses yeux pétillèrent : elle avait trouvé un adversaire à sa taille. 

- Non, Brume... commença Edwige, derrière moi, la voix remplie d'inquiétude. 

- Cette chose, rétorquai-je, tout en adoptant un ton glacial qui m'était peu coutumier, vient de tuer ce garçon. 

- Je sais, et c'est une véritable horreur, mais... Attend encore un petit peu, on doit aller trouver le Diffuseur, maintenant ! me pressa la femme. 

Je me retournai quelques secondes, réfléchissant sérieusement. Comme l'avait dit quelques dizaines de minutes plus tôt mon informatrice, la SYNE et moi avions un objectif très différent : elle voulait que toutes les Chimères disparaissent, je voulais sauvegarder des vies humaines. La nuance était ici. Indélébile, marquée sur la roche et encrée sur le papier.

La SYNE avait fait quelque chose d'ignoble. Elle s'était comportée comme un monstre, la peur lui rongeant les entrailles au point de commettre l'irréparable. J'allais mettre fin à son erreur. Les Chimères pouvait très bien attendre. 

- On va t'aider, Brume, intervient soudainement Armelle, avec le ton de celle qui ne veut pas être contredite, c'est aussi notre combat. Pas seulement le tien. 

Pour appuyer ses mots, elle se posta à ma droite, dans sa main gauche une arme à feu et dans l'autre un énorme couteau de chasse, qui au premier abord me parut absolument gigantesque par rapport à la taille de son bras. Mais en y réfléchissant, ça correspondait tout à fait à la jeune femme. 

- Elle a raison, Brume,  renchérit Amaryllis, on va tous t'aider à affronter cette fourchette géante. 

Il s'alignèrent tous autour de moi, Wings à ma droite. Il m'adressa un sourire crispé en voyant mon air surpris, et déclara tout bas pour que je sois la seule à entendre : 

- Tu sais déjà ce que j'en pense, je crois... 

- En effet, répondis-je d'une voix douce.

En observant l'équipe autour de moi, leurs yeux pleins de détermination, leurs muscles crispées et leurs corps tendus, prêts à abattre cette chose, mon coeur rebondit dans ma poitrine. Je ne me sentais plus seule. Même si mon instinct continuait à me supplier de les laisser s'éloigner, quitte à ce que ce soit contre leur gré. Pour les protéger.

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant