Projet Earth (en réécriture)

Chapitre 2

Enchaînement basique : droite, coup dans l'estomac, puis le coude dans le dos. L'ennemi s'écroule, vaincu, une douleur l'immobilisant et l'empêchant de se relever pour m'affronter une nouvelle fois.
Facile, trop facile... Ses mannequins de plastique étaient tellement prévisibles que cela en devenait ennuyeux. Et pourtant, il en fallait beaucoup pour m'ennuyer.

- Rebelote, Wings ! On dirait que tu t'es transformé en pâte à modeler ! Un peu de nerf !

Je ne répondis pas, ignorait le regard d'azur du Chef Colberg sur moi. Je devais rester concentré. Toute la classe me regardait, y compris cet imbécile de Grog. Hors de question de me rendre ridicule.

Je pris une profonde inspiration, fixait mon adversaire : un pur morceau de plastique qui reproduisait un programme dans son cerveau débile. Ce n'était pas comme cela dans la vraie vie, tout le monde le savait. Et pourtant, Colberg était obstiné à nous faire battre contre ces trucs, arguant à la moindre plainte : « Tu as quel âge, petit ? Seize ans, quinze ans ? Ok, tu veux que je te dise ? J'en ais quarante-et-un, alors si tu penses qu'un mioche dans ton genre va pouvoir me dire ce que je dois faire tu te fiches le doigt dans l'oeil jusqu'au coude ! Pigé ?! ».

S'ensuivait un grommellement d'approbation, puis la honte publique devant des amis parce que ta poussée de testostérone s'est couchée devant la force de ton supérieur.

Je n'étais pas ce genre. Je faisais ce que je voulais, dans une certaine mesure. Mais je respectais les règles, et mes amis se composaient seulement de la soeur, Armelle, qui était en ce moment dans la salle d'entraînement n°21, réservée aux filles allant de 17 à 18 ans.

Me reconcentrant, j'enchaînais parfaitement les coups, parant ceux de mon ennemi, qui finit par succomber, un fil électrique lui sortant de la narine. Mon énervement se ressentait clairement.

Je me retournais vers mon Chef, qui me regardais, l'air pensif, ses bras musclés recouvert de tatouages me narguant presque.

Il claqua sa langue sur son palais en hochant la tête, approbateur. Parfait, l'entraînement était fini pour moi !

Baissant les yeux, je sortais du tapis de combat bleu, mes pieds nus frottant le sol froid, et passais sur le côté pour ne pas déranger la vue de mes camarades, dont Grog, qui voulu me faire un croche-pied qui échoua lamentablement quand je l'évitais avec agilité. Lui-même, déséquilibré, tomba au sol, entraîné par son poids, et rouge de honte. Sa bande de potes le releva, sans qu'aucun mot ne soit prononcé.

Certains se retournèrent pour observer la scène, quelques uns gloussèrent, mais la plupart me regardèrent comme si j'avais perdu la tête.

Je fixais Grog, qui me fusillais du regard en proférant des menaces que je n'entendais même plus, et filais sous les douches, sans un regard en arrière. Je ne voulais pas attirer l'attention.

Je me déshabillais, claquait le loquet des douches (heureusement individuelles), et enclenchait l'eau pour cinq minutes. Le temps était chronométré, il ne fallait pas le dépasser.

L'eau tiédasse coula sur mon corps, tandis que je frottais mes cheveux bruns avec force, pour le débarrasser de toute sa crasse. S'il y avait quelque chose que je détestais plus que Grog, c'était bien sentir mauvais.

À travers le pommeau de douche couleur argenté, je croisais mon propre regard, bleu de nuit, qui, d'après ma sœur, me conférait un air viril et mystérieux. Ridicule.

L'eau s'arrêta, je pris une serviette et l'enroulais autour de ma taille. Plus que quelques minutes avant que tout le monde arrive. J'étais bien content d'avoir été le premier sur le tapis. Comme ça, j'étais tranquille. Je détestais entendre les autres garçons débattre de quelle fille était la plus jolie, qui sortait avec qui, ou qui voulait se taper qui... C'était tellement vulgaire ! J'étais bien loin de cet univers, et je ne m'y sentais pas à mon aise. En fait, je ne me sentais à l'aise que dehors, l'endroit le plus dangereux du monde.
Ais-je omis de dire que nous vivions sous terre comme des troglodytes ?