- Que c'est joli... Je songeais, fixant avec fascination le papillon bleu ayant posé ses petites pattes délicates sur mon index. Ses grandes ailes bleues faisait la taille de mon ongle, et grâce à ma vision surhumaine, je voyais avec précision le léger duvet tout doux qui les recouvrait, comme une épaisse couverture de laine.
C'était prodigieux de voir une créature aussi petite et fragile sur mon doigt, j'avais l'impression que je pourrais la casser à tout moment.
Ses ailes me faisait vraiment envie : moi aussi, j'aurais adoré pouvoir m'envoler où je voulais, sentir les doux rayons du soleil sur ma peau, et le vent sur mes joues, dans mes cheveux... Parcourir les cieux, effleurer les arbres, toucher les nuages...
Mais c'était impossible, bien sûr. Et ce papillon ne m'aiderait en rien. Avec tristesse, je le regardais quitter ma peau, et s'envoler doucement, comme un petit oisillon, prêt à vivre sa vie... Tellement courte.
Les autres s'éloignaient devant, je devais les rejoindre, au lieu de rester à la traîne. Hors de question de leur donner une raison en plus de me détester.
Car j'avais bien peur que ce soit cette émotion qu'ils ressentent. Et cela me chagrinerait beaucoup si c'était le cas.
En même temps, je l'avais bien cherché, à ne rien dire, restée campée sur mes positions, obéissant à mes deux instructeurs, qui se trouvaient pourtant à des années-lumières de moi. Dorénavant, je prendrais mes décisions par moi-même, au lieu de chercher sans arrêt l'approbation de mes deux maîtres. Ou même de quiconque.
Je n'avais pas besoin que l'on me dise quoi faire. J'avais 16 ans passer, je me débrouillerai. Je n'avais pas le choix, de toute façon.
Tout en marchant vers mon groupe, plus silencieux que jamais, je remarquais que les sentiers sur lesquels nous étions commençaient à se déverdir, pour laisser place à un chemin sec, dénué de buissons ou d'arbres. La végétation se faisait plus rare, une légère couche de sable recouvrait les rochers qui pointaient le bout de leur nez sous la surface.
J'hésitais à demander où nous étions. Nous sortions de la forêt, cela était bon signe, même si visiblement, le chemin que nous empruntions paraissait sec... Donc plus d'eau. Or, je n'avais plus d'eau, moi non plus. Et vu les circonstances, personne ne me prêterait son eau.
Tant pis, je ferais avec. Mint et Mandragore avait bien dû prévoir le coup, non ?
Je l'espérais. Il serait bête de mourir de déshydratation si près du but.
Je renversais ma tête en arrière, et fut surprise de voir que ma vue n'était pas occultée par les feuilles des arbres : un magnifique ciel d'azur se dessinait sous mes yeux : d'épais nuages blancs, semblables à du coton, flottaient dans l'air, libres, graciles. Le soleil, cette sphère de gaz géante, scintillait de mille feux dans l'atmosphère, réchauffant mes joues éprouvées par l'ombre des arbres.
Fier, majestueux, il se dressait, prêt à nous éblouir de son éclat. Cette puissance céleste, par ses rayons, me fit détourner les yeux aussitôt. Des points colorés dansaient devant mes yeux, mais je voulais continuer à regarder... C'était tellement beau, toute cette lumière.
Mon spectacle fut interrompu par un grattement de gorge peu discret à mon intention. Immédiatement, je me détournais du soleil pour m'inquiéter du sort d'Armelle. C'était elle qui venait de souligner sa présence. Elle devait être aussi grande que moi, et pourtant j'étais persuadée qu'elle aurait pu me tuer au moindre geste. Chose assez paradoxale quand on sais que je pourrais lui écraser le cerveau d'une poignée de main. Non pas que j'en ais l'envie particulière, bien sûr.
La jeune adulte commença immédiatement à parler, sa voix était calme et posée, mais son regard était dur :
- Brume. Je voudrais m'excuser. Un petit peu.
Je restais abasourdie : Armelle, s'excuser ? D'après ce que j'avais pu comprendre, elle me semblait très fière, peu amène à pardonner.
- Je... Euh... Vraiment ? J'articulai dans un filet de voix, rentrant ma tête dans mes épaules.
Elle soupira profondément :
- Écoute, Brume : je dois reconnaître que j'ai - légèrement - exagérer. Tu n'es ni le diable incarné comme je le pensais (je retiens un rire et me contentais de sourire) ni une usurpatrice à la solde des Chimères....
- Tu pensais réellement que j'étais une espionne ?! Je m'écriais, presque agacée : moi ? Une espionne ? En faveur des Chimères ? Plutôt mourir que d'aider ses pourritures ! Sans parler qu'elles ne parlaient même pas notre langue, plutôt un dialecte local incompréhensible, d'après Mandragore.
Armelle rougit, honteuse d'avoir pu penser cela, mais elle se reprit vite :
- Oui, je le pensais. En plus, Wings m'avait bien dit que c'était ridicule, mais... Je suis quelqu'un de très têtue, quand j'ai une idée en tête, impossible de me faire changer d'avis. Alors, quand j'ai constaté que non seulement tu étais étrange, mais en plus que tu arrivais à faire fondre la carapace incassable de mon frère en quelques heures à peine, je pense que... J'ai pété les plombs, quelque part.
Wings ? Une «carapace incassable» ? Il est vrai qu'il avait une certaine aura de mystère autour de lui, mais...
-... Donc je tiens à m'excuser, même si je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt. Surtout que... Tu avais l'air vraiment gentille, quand je t'ai rencontrée.
Je restais estomaquée : Armelle venait de me qualifier de «gentille» ? Était-ce normal ? Peut-être était-elle malade ?
En voyant mes yeux perdus, elle ajouta, tout sourire :
- Je ne savais pas que je paraissais aussi grossière, de loin !
- Non, non, je corrigeais immédiatement, rougissante, c'est juste que... Vous le prenez tellement... Calmement. Comme si tout était normal. C'est presque... Étrange.
Elle eut un rire triste :
- Ah, Brume... Dois-je vraiment te rappeler que les Chimères viennent de Mars ? Aucune espère animale n'avait jamais réussi à concurrencer l'Homme... Et celle-ci a réussi. Je ne sais même pas si on peut considérer les Chimères comme des animaux, tellement elles sont fourbes et malignes. Et increvables, aussi.
- Plus maintenant. Je tentais de la rassurer, même si... Une personne contre des centaines... Même si...
« Brume, tu sais ce que tu as à faire. Tu sais comment le faire. Mandragore et Mint te l'ont dit des centaines de fois. » souffla une voix dans ma tête.
Effectivement. Je savais ce que j'avais à faire. Comme d'habitude.
VOUS LISEZ
Projet Earth (en réécriture)
Ciencia FicciónIl y a cinquante-cinq ans, des montres ont envahi la Terre. Les Chimères haïssent les Hommes, et tuent tout ce qu'elles croisent. Sur l'astéroïde 345Z2, une jeune fille, nommée Brume, a été élevée toute sa vie dans le but de sauver l'humanité, devo...