Chapitre 5

60 5 0
                                    

Depuis combien de temps marchais-je ? Hum, je n'en avais aucune idée. Je ne ressentais aucune fatigue, je n'avais ni montre ni moyen pour m'indiquer l'heure. Je n'avais croisé aucune créature agressive, mis à part un gros serpent dont l'épaisseur était équivalente à la largeur de ma cuisse. Il m'avait surprise alors que j'avais perdu l'équilibre en trébuchant sur une racine perdue.

Je me remémorais encore ses crocs injectés de venin qui avaient évité ma jugulaire de justesse. Je l'avais ensuite empoigné par son corps mou et visqueux et l'avait balancé dans les hautes herbes. Il n'était pas réapparu, mais après la crise cardiaque que cette apparition avait manqué de me provoquer, j'étais sur le qui-vive.

Chaque frétillement dans l'herbe me faisait brandir mes deux armes blanches et adopter la position de combat que j'apprenais depuis toujours.

Tout en marchant, je me rappelais avec délice de mes nombreux entraînements, avec Mandragore. Visiblement, celle-ci avait dû recevoir une formation d'un autre temps, car ses méthodes d'éducation étaient totalement datées !

Mais elles étaient efficaces. S'entraîner, répéter, encore et toujours répéter, jusqu'à la perfection. Telle était la devise de mon institutrice :

« Ne te contente jamais du très bien »

Depuis que cette phrase avait résonné dans mes tympans, il m'était impossible de l'ignorer. J'appliquais ce principe qui pouvait paraître extrêmement strict non seulement aux entraînements, mais aussi envers moi, envers mes émotions, ainsi que durant mes cours.

J'avais toujours tout fait parfaitement. C'était ma raison de vivre, ce n'était même plus une récompense pour moi quand je parvenais à enchaîner une figure particulièrement compliquée qui exigeait endurance et précision. Aucun encouragement. Seulement le mot favori de Mandragore : « Encore ». Jusqu'au moment où personne ne pourrait le faire mieux que moi. «personne» étant Mandragore, il n'y avait pas grand monde sur l'astéroïde 345Z2...

Les sports de combat tels que le taekwondo, le karaté, la boxe... N'avaient plus aucun secret pour moi. Je savais manier n'importe quelle arme, sauf les armes à feu. Couteaux, lances, épées, arcs, lance-pierre même...

Ce qui, dans un monde où la majorité des personnes utilisaient des armes à balles, était quelque peu problématique. Mais ni Mint ni Mandragore n'avaient pu prendre ce genre de choses pour m'entraîner, dans la précipitation.

Mais l'avantage, c'est que je savais aussi en fabriquer. Il fallait juste trouver les bons équipements.
Les bons matériaux.

Mais je préférais quand même les couteaux. Légers, flexibles, facile à lancer et à utiliser... Ils avaient l'avantage de servir au corps-à-corps mais aussi lors d'un combat éloigné. Bien que je sois consciente que dans chaque combat que je mènerai contre des humains (et malheureusement, cela risquait d'arriver), je devrais TOUJOURS être là plus rapide. Vive comme un serpent. Une vraie vipère.

Je voyais que le jour commençais à décliner, pour laisser entrapercevoir une teinte orangée se dégradant vers le rose, dans le ciel...

Comme si j'avais fait cela toute ma vie, je m'agrippais à un arbre recouvert de lianes épaisses, et grimpais comme un petit singe habile jusqu'à la cime, le plus haut possible.

Arrivée sur l'une des dernières branches, le posais ma main droite sur le tronc pour me stabiliser, accroupie et à cinq mètres du vide.
Mieux valait ne pas tomber. Déjà, il était un miracle que je n'ai pas pris de serpent dans la figure !

Mes cheveux frisés valsant dans le vent frais qui précédait la nuit, je pus, émue, observer ce magnifique coucher de soleil, celui-ci disparaissant progressivement derrière les hauts arbres.

La forêt n'était pas très grande, je devais être à plus de la moitié. Derrière, je voyais simplement qu'elle s'arrêtait, laissant progressivement place à un désert sableux, reluisant de reflets bronzés. Aucune trace de violence, ni de Chimères.

Étrange... En tout cas, il ne fallait pas que je sorte de la forêt. Les galeries étaient situées à plusieurs kilomètres sous celle-ci, pour mieux cacher l'entrée des yeux tueurs des monstres.

Inutile de vadrouiller dans ce désert complètement à découvert, sinon pour se faire repérer.

Je décidais de m'établir ici pour la nuit, afin d'être protégée des Chimères, qui fort heureusement ne savaient pas monter dans les arbres, leur poids trop lourd les en empêchant.

Je redescendais quelques branches rapidement, et m'établissais sur une particulièrement épaisse, et globalement stable. Je jetais un coup d'oeil dans le vide, réfléchissant : si je ne m'attachais pas, je risquais de tomber, et de me tuer, par la même occasion. J'avais beau être dotée d'une force inhumaine, je ne surviverai pas à une chute de cette hauteur.

Alors je saisissais l'un de mes couteaux, et tranchaient quelques cordes végétales, avant d'attacher mon corps à la branche par des liens à la taille, aux cuisses et une main, laissant une marge certaine pour avoir les mains libres en cas de besoin.

Après cela, alors que la nuit obscurissait l'horizon, je pris mon sac, fit défiler la fermeture Éclair, et attrapait dans celle-ci ma nourriture, ou plutôt un sachet argentée où il était marqué : « American Cookies Sandwich ». Aucune idée de ce que c'était, à part un « Sandwich Cookie Américain ». J'espère que c'était bon, au moins. Je n'avais jamais mangé de nourriture lyophilisée, les plats que nous mangions étant principalement des plats préparés rangés dans un gigantesque frigidaire qui semblait inépuisable. En fait, pour être plus précise, je ne savais absolument pas ce que c'était.

Songeant au fait que mes deux instructeurs ne m'avaient donner aucune indication pour préparer ce type de nourriture, je déchirais la toile argentée dans la nuit, doucement, pour ne pas faire trop de bruit, et saisissais ladite nourriture, en laissant un intact au fond de mon sac. Je croquais un petit bout...

Tiens, c'était... Bizarre... Un peu sec... Bon, en même temps, c'était de la nourriture déshydratée, rien de plus normal. Mais le goût était celui d'un cookie, enfin du moins de que je pensais être un cookie... Je n'en avais jamais mangé. J'en avais vu une fois dans l'un de mes éternels films que je visionnais entre deux entraînements, ou alors sous la couette en volant le poste télé dans la salle commune, quel était le nom déjà ?

Penser au titre du film fit passer l'arrière goût un peu étrange, et me fit sourire. 

Dans mes souvenirs, un film romantique où une fille et un garçon faisaient partie d'un club de débat et visaient ses universités prestigieuses pour leurs futures études... Ce film m'avait marqué et je l'avais beaucoup aimé.

J'aurais tellement aimé aller à l'école... Je n'avais pas pu, bien sûr, mais j'aurais adoré me faire des ami(e)s, avoir de bonnes notes, parler et échanger avec les professeurs, jouer dans la cour, faire des bêtises qui me valaient ensuite des heures de colle... Une vie normale, en somme. Une vie d'adolescente banale, belle et dont je me souviendrais toute ma vie !

Je souriais toute seule en terminant mon petit gâteau, qui m'avait certes rassasiée mais qui m'avait donné soif. Pas d'eau, malheureusement. Tant pis, il devait bien y avoir une source d'eau, ici, je veux dire, autre que cet étang verdâtre qui devait contenir toutes les maladies virales et bactériennes du monde. Même si ce n'était pas un problème pour moi.

Ignorant ma soif, je fourrais le deuxième gâteau dans la poche intérieure de mon sac, afin de laisser le sachet argenté vide (il pourrait me servir de récipient pour de l'eau) dans mon sac à dos, et enserrait celui-ci à mon poignet par un triple noeud, et posais ma tête contre le tronc rêche, mes cheveux servant de coussin de fortune contre les aspérités.

Ensuite, je regardais pendant quelques secondes, peut être même des minutes, le ciel étoilé, bleuté et brillant de points étincelants, formant constellations inconnues et amas d'étoiles ressemblant à de la poussière de fée...

Je finis sans doute par m'endormir, des étoiles pleins les yeux...

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant