Chapitre 28

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Le grognement puissant que poussa mon ventre en me réveillant me prouva que, sincèrement, l'Homme se nourrissait très souvent. 

Me relevant, la poussière de sable coincée entre mes cils, rendant ma peau aussi sèche qu'une rivière aride, je tendais une main vers mon sac, alors que l'autre s'agrippait à mon ventre souffreteux. 

Je ne me sentais pas très bien, pour tout dire. J'avais un léger mal de tête, j'avais faim et mal au ventre. Ce n'était pas l'idéal pour commencer la journée. 

Ma vue un peu brouillée, je sentis enfin le tissu rêche du sac, et le tirais vers moi, en faisant glisser la fermeture, produite par le fameux "métal que l'on ne trouvait pas sur Terre". 

Tout au fond, je dénichais le deuxième sur les deux cookies que j'avais réhydratés, il y avait de cela quelques jours, et l'engloutis en quelques secondes. Immédiatement, le sucre descendit dans mon estomac comme de l'ambroisie divine, et immédiatement, je me sentis bien mieux. 

Ce gâteau était très bon, très sucré, mais cela me faisait du bien après la nuit mouvementée que j'avais passée. Bien que me sentant moins fatiguée que la veille, je me sentais quand même vaseuse et vaguement assoupie. Mais il fallait que je continue, et puis de toute façon ce n'était pas comme si j'avais le choix. 

- Brume, ça va ? Je te trouves un peu pâlotte... Me lança Armelle, qui était aussi sortie des bras de Morphée, et mâchait à grands coups de dents sa viande rougeoyante. J'hochais la tête, puis grimaçais immédiatement en sentant ma nuque me faire souffrir le martyre. 

- Ca peut aller, j'ai seulement un peu mal à la tête... je grommelais. 

La jeune fille, en position assise, fit quelques pas hésitants vers moi, puis me tendit sa gourde, tout en plaisantant : 

- Bon, je sais que ma salive ne vaut pas celle de Wings, mais tu devras t'en contenter, je ne sais pas où il est parti. 

Ignorant sa remarque, j'eus simplement le temps de boire quelques gorgées, n'essayant même pas de protester, mais me promettant de rembourser vite ce petit service, avant que Chioné, tout en frottant ses yeux bordés de cils blonds, s'exclame :

- Ah, Armelle, désolée mais c'est franchement dégueulasse. 

- Je suis sincèrement honteuse d'heurter ainsi la sensibilité de tes oreilles délicates. railla la grande sœur de Wings en lui adressant un clin d'œil. Visiblement, la jeune fille semblait très en forme pour quelqu'un qui avait passé sa nuit l'épaule contre celle de son frère. 

Je terminais de boire, et effectivement, mon mal de tête s'était calmé, comme par magie. 

Armelle récupéra sa gourde, et fourra une sorte de pastille d'un blanc-vert un peu étrange dans sa bouche. Observant mon regard intrigué, elle haussa les sourcils tout en m'expliquant : 

- Ce sont des pastilles à dents. C'est plus facile quand tu n'as pas d'eau à proximité, et le luxe d'un lavabo aussi. Puis ça t'évite d'avoir une haleine de poney.

- Un poney ?! je m'émerveillais, en me redressant, d'un coup très réveillée : j'avais déjà vu des images de cette créature des cieux, mais malheureusement, je crois que la race n'existe plus, ou est presque éteinte. 

Chioné gloussa en voyant mon étonnement, tout en démêlant sa chevelure dorée avec ses doigts couverts de sable. Décidément, les minuscules grains semblaient se faufiler partout ! 

- Oui, un poney, Brume. Crois-moi, la comparaison n'est pas très flatteuse. me prévient la jeune femme tout en buvant à son tour, pour faire passer la pastille. Puis elle m'en tendit une : 

Je fis quand même remarquer, en analysant le petit cylindre dans main : 

- Tu sais, j'ai déjà vu ça quelque part. Dans un film, sur mon astéroïde. Mais c'était un... Un bonbon ! 

- Vraiment ? Oh, oui, je pense que je sais ce que c'est, lança Armelle à la cantonnade, c'est sans doute un truc que les gens adoraient manger avant, ça s'appelle un "Mentos". 

J'ouvris grands les yeux, et fourrais la pastille à dents dans ma bouche. Armelle rit en voyant mes yeux éblouis, et Chioné, tout en mâchouillant sa viande, commenta : 

- Ouais, j'en ai mangé un, une fois. 

Cette fois, elle eut droit à nos deux visages tournés vers elle, remplis de curiosité : 

- Dis-moi simplement où tu as réussi à dénicher des bonbons dans les galeries ? argua Armelle. 

Sans se presser, la blondinette déclara :

- Il y a des étages inférieurs, sous le garde manger, tu vois (Armelle hocha la tête). Ben si tu trouves la trappe, en-dessous, il y a pleins de choses... Que les gens d'avant mangeaient, c'est incroyable, je te jure. Moi, j'y suis allée une fois avec des potes, pour le fun tu vois, mais on est repartis juste avec une chose, le petit paquet de bonbons à la menthe. Je me souviens, on avait tellement hésité à en manger, et on avait tellement peur de se faire prendre... (elle sembla l'espace d'un instant nostalgique, puis reprit :) Enfin, en tout cas, après, on a tout divisé entre nous, et j'ai pu en manger... Et c'est super bon ! 

- Promets-moi que quand on rentrera d'ici, tu m'emmèneras là-bas ! supplia presque Armelle, les yeux pleins de convoitise : puis elle se tourna vers moi. 

- Brume, allez, tu es d'accord ? Tu viendras bien avec nous, hein ? 

Je me mordais la lèvre : je venais de comprendre que je n'avais jamais pensé à ce qu'il se passerait après la mission. Si j'y arrivais... Si je survivais... Non, je ne voulais pas y penser. 

- Avec plaisir. je me contentais simplement de renchérir, un sourire crispé aux coins des lèvres. 

Parfois, c'était mieux de mentir. 

Brisant cet instant à la fois tellement normal et gênant, Alban entra dans la grotte, le soleil se reflétant à contrejour sur son corps : 

- On y va dans cinq minutes, on a encore de la route à faire. Allez, grouillez-vous. Et réveillez-moi la larve qui m'a servi d'oreiller de pieds cette nuit. 

L'heureuse larve se nommait Grog, à vrai dire. Il dormait toujours comme une marmotte, et j'eus la possibilité de voir une tache translucide au sol, près de sa bouche. Je plissais le nez, à la fois amusée et dégoûtée. 

Armelle, qui avait suivi mon regard, dit d'une voix tremblante de rire : 

- Non... Non, ne me dites pas que... 

- Si, il a bien bavé. Comme un petit bébé. ricana Chioné en bouclant son sac, tout en enfournant l'une des pastilles dans sa bouche. 

Armelle commença à rire, et tout le monde la suivit, réveillant le pauvre Grog, qui semblait totalement perdu : 

- Mais... Fit-il, la bouche pâteuse, pourquoi vous riiez ? 

Ce qui ne fit que redoubler notre hilarité. 

- Elles rigolent parce que malgré ton soit-disant corps d'Apollon miroitant dans toute sa perfection, tu as laisser échapper de la bave de ta bouche divine, pendant la nuit. 

Je me retournais, pour finir devant Wings : ses cheveux en bataille lui conféraient un air beaucoup moins sérieux, et le sourire pincé qui éclairait son visage le renforçait. 

Armelle rit de plus belle, et Chioné essaya tant bien que de mal de se calmer. 

Moi, je souriais juste, sourire qui s'assombrit quand je constatais que le jeune homme semblait contrarié. 

Malgré tout, en passant près de moi, il m'offrit un joli sourire, et il récupéra son sac, avant de filer dehors sous la lumière tapante. 

Je passais un doigt sur mes lèvres : elles avaient un délicieux goût de menthe. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant