-... Et ce fut donc ainsi que Dama provoqua la plus grosse explosion de l'histoire du lycée, en mettant feu à toute la salle d'SVT. Je te l'ai dis, elle était aussi maladroite que toi, à l'époque.
- Silence, Démos.
- En même temps, vu ton habileté légendaire, ça mérite d'être raconté. Oh, ou alors je pourrais aussi raconter la fois où tu as failli tomber de ce pont, là... Sincèrement, heureusement que je savais nager et que j'ai pu te repêcher, sinon...
- D'après le code d'honneur du chevalier, savoir se taire est une vertus, le coupa de nouveau Mandragore.
Mon esprit embrouillé peinait à analyser la joute verbale se déroulant au-dessus de moi. J'étais rassurée d'entendre aussi distinctement mes deux instructeurs. Et d'aussi ressentir les différentes parties de mon corps, aussi douloureux cela fut-il.
En vu de la couverture me recouvrant et mon corps reposant sur un matelas, j'en déduis que j'étais dans mon lit, sur l'astéroïde 345Z2. Tout allait bien, j'étais avec Mint et Mandragore, et ils veillaient sur moi...
Je me sentais un petit peu étrange, comme si je venais d'avaler une boîte de somnifères, et que je ressortais d'un long et périlleux sommeil. Sans compter qu'au fur et à mesure que je me réveillais, mes muscles se dévoilaient ankylosés, ceux de mon ventre en particulier. J'avais une envie pressante d'aller aux toilettes, et mon odorat surdéveloppé reniflait une odeur de moisissure, distinguant presque les bactéries flottant dans l'air. Pourquoi ça sentait aussi mauvais ? Et pourquoi mon corps était-il aussi engourdi ? Même avec la plus intense des séances d'entraînement de Mandragore, je n'étais pas dans cet état-là...
- Wings, pourrais-tu dire à ma très chère collègue ici présente que s'enfiler à longueur de journée Perceval ou la quête du Graal n'est pas une occupation normale ?
Le choc de ce prénom à mes oreilles me fit ouvrir les yeux un millième de seconde, et je croassai vaguement :
- Wings ? Tu es là ?
Les paroles de Mint se stoppèrent aussitôt dans sa gorge, laissant place à un long et pesant silence, comme si personne n'osait parler. Que ce passait-il ?
Je tentai péniblement d'ouvrir les yeux, tout en entendant le bruit d'une chaise que l'on repousse violemment. Le bruit agressif des pieds métalliques griffant le sol carrelé m'arracha une grimace : depuis quand je n'arrivais plus à contrôler les sons parvenant à mes oreilles ? J'avais l'impression d'être revenue à l'époque où je me bouchais celles-ci au moindre craquement d'articulation, pas encore habituée à mes nouvelles facultés.
Par chance, les muscles de mes paupières m'obéirent cette fois-ci. Malheureusement, lorsqu'une lumière aussi perçante qu'une aiguille éblouit mes pupilles sensibles, je lâchai un cri de douleur avant de les refermer, n'ayant pas le temps d'apercevoir quoi que ce soit. L'instant d'après, je sentis une présence à ma gauche, présence que je connaissais sans la voir. Ma main chercha la sienne dans un réflexe inavouée, et la trouva. Si Wings était surpris, il n'en laissa rien paraître. Pour moi, sentir sa peau sur la mienne était encore mieux que le meilleur des jus d'abricot.
- Brume ? fit-il, presque chuchotant, ce don je lui fus reconnaissante : chaque bruit était une torture, comme si quelqu'un s'amusait à gratter mes tympans pour les arracher de mes oreilles. L'analogie était douteuse, mais en tout cas, j'avais mal.
Je serrai les dents, et levai ma main libre pour les porter à mes yeux, et les frotter comme pour les soulager : même ma vue était beaucoup plus capricieuse que d'habitude...
Au pris de nombreux efforts et dans un silence absolu qui me gêna presque par sa solennité, je parvins enfin à faire obéir mes iris sensibles, reprenant peu à peu le contrôle sur mes sens exacerbés.
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Projet Earth (en réécriture)
Science FictionIl y a cinquante-cinq ans, des montres ont envahi la Terre. Les Chimères haïssent les Hommes, et tuent tout ce qu'elles croisent. Sur l'astéroïde 345Z2, une jeune fille, nommée Brume, a été élevée toute sa vie dans le but de sauver l'humanité, devo...