Chapitre 74

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On y étais presque. Brume avait depuis longtemps abandonné la bataille, et s'était assoupie, appuyée contre moi. Chioné me talonnant, je courais le plus vite possible, montant les marches en essayant d'être aussi rapide que Brume. Je n'avais même plus peur de glisser sur les marches mouillées, mon effarement s'était transformé en colère : je ne perdrai plus personne, c'était fini. Brume vivrait, elle irait bien, et je ferais tout pour la sauver, que ce soit bien ou mal. 

- Bordel, j'espère qu'il y a une porte au bout au moins ! pesta la princesse des glaces derrière moi. 

Quelques secondes plus tard, alors que je pensais sincèrement que j'allais m'effondrer sous l'épuisement, je distinguai, étincelle dans l'obscurité, le seuil d'une porte rouge avec inscrit dessus, comme une incantation  : "SORTIE DE SECOURS". 

On allait sortir d'ici... On allait sortir d'ici !! 

Je redoublai d'efforts, courus sur la la plateforme métallique rouillée qui menaçait de s'écrouler à chacun de mes pas. Sans même prendre garde à Chioné qui haletait derrière moi, j'arrivai devant la porte, donnai un coup de pied dedans, ne réfléchissant plus qu'à une seule chose, un seul prénom : Brume. 

Au lieu d'un soleil éclatant qui m'aurait percé les rétines, ce fut un monstrueux coup de vent qui manqua de me faire chavirer, ainsi qu'une volée de gouttes de pluie glacées qui mordirent mon visage qui m'accueillirent.

Il pleuvait, et encore, c'était un euphémisme : des trombes d'eau s'abattaient avec une violence inouïe sur toute la Ville, une véritable tempête. Le ciel grondait comme si une véritable guerre entre entités célestes dont les bruits d'épées s'entrechoquant se produisait au-dessus de nos têtes. Pour parfaire ce tableau, des éclairs lacéraient le ciel aussi noir que les enfers, formant des formes saillantes et abstraites dans l'immensité anthracite. 

Quelle plaie ! Je me précipitai sous la pluie, et en deux temps trois mouvements, je fus trempé, mes cheveux plaqués sur mon front dessinant des rigoles le long de mon visage blême. Chioné me rattrapa, dans le même état, et regarda longuement cette vision apocalyptique, avant de s'exclamer qu'il ne fallait pas rester ici :

Et elle avait raison : nous étions sur le toit du building, et seule la pointe du Diffuseur dépassait, prête à laisser exploser son poison dans l'atmosphère. En clair, nous étions en danger de mort, avec personne pour nous aider. Mourir noyés était une charmante perspective, à côté d'un foudroiement ou d'une explosion brûlante qui réduirait notre corps en cendres. 

- WINGS, CHIONE, PAR ICI ! hurla soudain une voix juste sur notre droite : stupéfait, je fis volte-face, en distinguant la silhouette d'Amaryllis, les traits déformés par la pluie, qui nous faisait signe. Je remarquai qu'elle tenait de sa main gauche une trappe métallique encore plus lourde qu'elle. De la droite, elle l'agitait pour nous indiquer sa position. 

Chioné et moi soupirâmes tout deux de soulagement, et nous nous précipitâmes comme un seul bloc vers notre sauveuse, qui se baissa un instant pour attraper une barre métallique que lui avait sans doute tendu Eléos, pour la coincer fermement entre le sol détrempé et la trappe. Un bruit sourd se répercutait sur sa surface grisâtre, écorchant nos tympans. 

J'arrivai le premier, et tendis directement Brume à la jeune fille. Consternée, elle m'examina avec attention, comme pour deviner ce qu'il s'était passé. Avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, je lui priai de se dépêcher, ayant l'impression que ma voix était très faible par rapport à la puissance dévastatrice de la météo. 

Elle obéis, et je la suivis, succédé par Chioné qui grommelait, comme à son habitude, des paroles inintelligibles. 

Cette dernière se retourna pour refermer la trappe, mais à cet instant, un éclair déchira le ciel, et heurta avec fracas la barre de fer placé en guise d'ouverture par Amaryllis. Le bâton explosa, et Chioné lâcha un hurlement de terreur, en manquant de tomber en arrière à cause de l'équilibre précaire sur lequel nous nous tenions. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant