Chapitre 32

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La veste était vraiment trop grande... La personne qui la portait devait être très baraquée, et vraisemblablement, large d'épaules au point que les coutures avaient commencer à craquer. 

Mais elle était chaude, et ne sentait rien. Cela m'aurait tuée si j'avais senti une odeur dessus, ou pire, celle du sang ou de la mort. 

En me remémorant les os, d'une couleur jaunâtre prouvant que personne n'en avait jamais pris soin, et que les Chimères avaient une nouvelle fois été d'une cruauté épouvantable, je m'étais vraiment sentie très mal pour lui. Pauvre homme. Car vu la largeur de ce vêtement, je ne pensais pas que ce soit la morphologie d'une femme.                                                                                                                

Non, je m'étais même fait un visage dans ma tête, un peu comme une sorte d'hommage : je l'imaginais, ses cheveux roux soigneusement retenus par du gel, sa peau claire éclatée de taches de rousseur, un peu comme celles d'Armelle, mais plus disciplinées. 

Calme. Et aussi, j'avais théorisé de grands yeux verts étincelants, ressortant encore davantage avec l'aide de ses cils aux contours orangés. 

Evidemment, il était quasiment sûr qu'il ne ressemblait pas à cela, mais cela m'avait quelque part rassuré de mettre un visage sur ce crâne sans peau.

J'avais l'impression de marcher depuis des heures. Je ne m'ennuyais ni dans la forêt, ni dans le désert, les paysages étant beaucoup trop sublimes et colorés pour que l'on ne leur accorde pas d'attention, mais ici, tout me paraissait gris et d'une tristesse froide. 

En plus, l'arrivée du squelette n'arrangeait pas les choses. En réfléchissant, je trouvais la réaction d'Alban très étrange, et peu humaine. Qui resterait de marbre devant un tel spectacle ? En plus, il avait volé ses biens. Même si c'était pour moi et que je pouvais comprendre la raison, je me sentais mal à l'aise. 

Honnêtement, Alban avait sérieusement dû en voir de toutes les couleurs pour être aussi insensible à ce genre de chose. Se rapprochant de la quarantaine, il devait avoir vécu des évènements horribles, dans les Villes, avant d'être rapatrié dans les galeries. 

De toute façon, personne ne sortait jamais indemne des Villes, et encore moins d'un face-à-face avec une Chimère. Leur simple vue causait des cauchemars pour le restant de l'éternité. 

Le sol devenait de plus en plus abrupt, et il fallait faire attention où on mettait les pieds si on ne voulait pas se faire transpercer le pied par une aiguille de pierre. 

Elles étaient de plus en plus nombreuses, et avec ma maladresse, j'avais très peur de tomber. Or, me rendre ridicule ou me tuer n'était pas dans mes projets. 

- Tu veux ma veste ? Nan parce que là, je pourrais facilement parler de noyade en te voyant dedans... 

J'eus un sursaut, en plongeant mes yeux dans ceux, rieurs, d'Armelle. La jeune femme ne semblait jamais quitter cette expression, mélange de malice et de joie. C'était comme un minuscule soleil au milieu de tout ce désordre. 

- Oh non, je ne t'infligerai jamais une chose pareille... Je déclinais poliment, fortement attristée. 

Armelle fronça les sourcils, ayant l'air de remarquer dans quel état je me trouvais, et elle fit : 

- Ouh lala, tes ondes négatives, je les sens d'ici ! Qu'est-ce qu'il se passe ? 

J'haussais les épaules, incapable d'exprimer clairement ce que je ressentais. Je pense que ma réaction était exagérée, mais Mint m'avait déjà parlé de mon empathie beaucoup trop importante envers les gens. Il suffisait de se souvenir d'une fois, quand j'avais à peine neuf ans, et que Mandragore s'était coupée avec je ne sais plus trop quoi. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant