Chapitre 57

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Je détestais les énigmes. Et encore plus les labyrinthes sans ni entrée ni sortie. 

Je me retenais depuis plusieurs minutes de hurler à la mort, tel un loup, en espérant que quelqu'un me retrouve. Qui sait, peut-être que ça aurait marché.

J'avais l'impression d'errer dans ces couloirs depuis des jours, et la faim commençait à se faire sentir. J'étais seul, et le noir abyssal ne me rassurait pas, les quelques ampoules tordues disséminées au milieu du chemin n'étant pas le meilleur moyen de s'éclairer. 

Après que Brume m'ait poussé derrière la porte sans ménagement, et que j'ai dévalé accidentellement l'escalier sur le dos, me massacrant les vertèbres par la même occasion, j'avais longtemps analysé la belle possibilité de me relever sans que mon dos ne gémisse. Quelques minutes plus tard, j'avais fini par me redresser en grognant, puis entendu les cris derrière la porte métallique, hésité à rejoindre Brume pour l'aider, avant de réaliser qu'au vu de mon statut et mon manque de défenses concernant les Chimères, je ne serais pas d'une grande aide. 

Je m'étais donc résigné, le dos et les fesses en compote, à descendre le dernier escalier, à tourner à gauche, et puis après... Après, je ne savais même plus si j'allais à gauche ou à droite. Je me guidais en tâtonnant, et dès qu'il y avait de la luminosité, je courais presque vers elle, éperdu de reconnaissance. Il n'y avait aucune fenêtre dans ces couloirs, et honnêtement, même sans être claustrophobe, c'était perturbant.

J'expirai pour me calmer, tout en me demandant si Brume s'en était sortie, avec le monstre. Les probabilités penchaient davantage vers le un que vers le zéro, mais la vue de son visage déformé par une grimace de douleur et la plaie sanglante sur sa joue m'avait vite fait déchanté. Elle l'avait bien brûlée, et elle garderait sans doute une cicatrice. Je m'en voulais de l'avoir laissée toute seule affronter cette abomination, blessée, même si Brume avait plus d'un tour dans son sac, soyons clairs là-dessus. 

Imaginer qu'elle puisse être dans un coin en train de se tordre de douleur ou pire, morte, était la pire sensation qu'un être humain pouvait ressentir. Je détestais cette impuissance que j'avais, que nous avions tous, Armelle, Grog, Chioné ou même Amaryllis ou Eléos. Cette fichue impossibilité d'aider, alors que je pouvais mettre un adversaire humain au sol en trente secondes. 

Quelque part, j'aurais eu besoin de cours sur les animaux et leurs comportements plutôt que des heures sur des tapis rouges à frapper dans un mannequin indolent. Cela dit, je n'en tenais pas rigueur au Comité pour ce point-là, nous étions tous désarçonnés concernant les méthodes pour tuer des Chimères. 

Je me rappelais bien, quelques jours plus tôt alors que nous étions à la l'entrée de la Ville, devant cette barrière de verre si colossale, et qu'Alban avait réclamé ses armes à Brume. Elle avait refusé, et je me souvenais même l'avoir poussé au sol, dans un élan de protection que je ne comprenais toujours pas. 

Je fermai les yeux, ce qui ne changea pas mon décor devant ceux-ci : je voyais clairement les deux couteaux de Brume dans ma tête. Avec un manche argenté creusé de moulures d'adaptant parfaitement à la main de la jeune fille, il possédait aussi un lame noire comme la nuit, luisante, qui ne m'était pas inconnue. En réfléchissant quelques instants, je me souviens pourquoi ce noir brillant me rappelait quelque chose : c'était similaire au tissu de nos vêtements, ceux que nous avions revêtus juste avant d'aller à l'Extérieur. 

Oui, la matière était quasiment similaire. 

Alors que je songeais à cette curieuse coïncidence, j'entendis brusquement une porte claquer, au loin. 

Mon cœur s'arrêta de battre, et mon estomac se tordit de peur. Mon rythme cardiaque s'accéléra, et j'ouvrai grand les yeux, espérant par je ne sais quel phénomène ma vision s'éclaircisse. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant