Franchement, entre la montagne, le désert et la forêt, si vraiment je devais choisir, ce ne serait surtout pas la montagne.
L'air était vicié, empiété de poussière dont l'odeur prenait la gorge comme une odeur avariée. Les multiples petits cailloux et aspérités du sol semblaient présents juste pour nous faire basculer par-dessus bord.
En file indienne, nous marchions, escaladions, parfois, car le sentier s'interrompait brutalement, pour laisser place à un amoncellement de pierres coupantes. Bonne chance pour grimper.
Heureusement pour moi, avec mes petits bras, j'avais réussi à maintenir les manches de ma veste sur mes paumes de mains pour me protéger. Mais pour Grog, cela avait été beaucoup plus compliqué.
Jusqu'à présent, aucun d'entre nous n'avait eu besoin de sa corde, mais d'ici, j'apercevais une sorte de mur, épais et boutonneux, dont j'espérais que le chemin n'allait pas croiser le nôtre. Parce que l'escalade et moi, ça faisait deux, clairement.
Il suffisait de se rappeler de ma laborieuse tentative, à mes cinq ans, à me hisser sur l'armoire de la chambre de mes parents. Tentative qui, si vous vouliez tout savoir, s'était soldée non seulement par un échec cuisant et plusieurs bleus sur les coudes, mais aussi par le rire démoniaque d'Armelle.
Je ne sais même plus pourquoi j'avais fait ça. Ce que je savais, c'est que dans ma longue et laborieuse vie, je m'étais rendu ridicule environ douze fois plus que ma très chère soeur.
Sortant de mes pensées, je laissais mes yeux divaguer jusqu'à une forme dos à moi, qui avait l'air d'éprouver des difficultés à marcher, tout comme moi.
Brume semblait contrariée. Je m'en doutais. Sa conversation avec Armelle, j'en avais entendue les grandes lignes. Elle avait paru peinée, quand ma sœur avait pris sa tête de professeur des écoles. Celle qu'elle prend soit pour me sermonner soit pour m'expliquer quelque chose.
Je pense que cet agacement était en partie dû au squelette que nous avions croisé, juste avant de nous engager dans les montagnes. Elle ne devait jamais avoir vu de morts...
Moi, j'en avais déjà vu. Le premier avait été choquant, le deuxième tout autant. Les morts dans les galeries, à cause des éboulements ou des maladies étaient plus que communes. Je ne dirais pas qu'on s'habitue, non. Ce n'est pas une question d'habitude. On se forge une barrière, pour être moins atteint. C'est mieux de dire les choses ainsi. Même si c'est compliqué à décrire, comme sensation.
Je n'avais jamais vu le corps de mes parents. Quand j'étais petit, ils avaient bien sûr protégé nos yeux, et nos esprits. Mais mini-Wings le voulait, lui. C'était affreusement morbide, quand j'y repensais. De plus, cette vision m'aurait sans doute traumatisé.
En ayant grandi et mûri, ma réponse était toujours assez divergente. En même temps, prendre des décisions n'était pas une chose aisée pour moi. Ça ne l'avait jamais été.
Sauf pour la mission. Là, je n'avais pas hésité une seule seconde. Et je ne le regrettais pas. Du tout.
Alors que je retournais dans mes yeux pour me reconcentrer sur l'espace qui nous entourait, je vis le pied de Brume glisser sur une pierre rebelle, et sa cheville se tordre. Tout cela en une poignée de secondes.
Le temps sembla se distordre devant mes yeux, de manière insupportable.Nous étions au bord d'un ravin, énorme, gigantesque, à plusieurs mètres du sol. Force divine ou pas, elle s'écraserait par terre comme une crêpe si elle ne se rattrapait pas.
Tout se produit en quelques secondes. J'eus à peine le temps de la voir perdre l'équilibre, Armelle de se retourner, les yeux écarquillés par la frayeur, puis chuter en arrière, dans le vide, tout en lâchant un hurlement. Tout ça en un laps de temps si court que c'en était presque ironique.
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Projet Earth (en réécriture)
Sci-fiIl y a cinquante-cinq ans, des montres ont envahi la Terre. Les Chimères haïssent les Hommes, et tuent tout ce qu'elles croisent. Sur l'astéroïde 345Z2, une jeune fille, nommée Brume, a été élevée toute sa vie dans le but de sauver l'humanité, devo...