Chapitre 62

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- Je sais où est le Diffuseur, me souffla Edwige à mi-voix, comme un secret jalousement gardé.

Et ça l'était. Le Diffuseur, son emploi, sa position, son âge, tout était dissimulé. Il ne faudrait pas que n'importe qui tombe dessus, cela pourrait mettre en péril la vie de l'humanité toute entière. 

- Il est en hauteur, j'imagine ? arguai-je.

C'était toujours mieux pour saupoudrer le poison en hauteur. 

Elle hocha immédiatement la tête :

- Oui, mais pas ici. C'était bien trop risqué, mais l'institut m'a donné sa position il y a quelques heures. Il se situe sur le dernier étage d'un building encore debout, l'un des seuls, d'ailleurs. Le soucis est que je ne sais pas précisément quand est-ce que la SYNE lâchera sa bestiole dans la Ville, pour qu'il abatte toutes les Chimères. Il faudra donc nous y rendre le plus tôt possible. 

- Précisément ? répétai-je.

- Oui, je sais simplement qu'Annabelle et Thanatos ont l'intention de le faire prochainement. Cela pourrait être aujourd'hui comme dans cinq jours, je n'en ai aucune idée.

- Aujourd'hui ?!! m'exclamai-je, mes yeux s'arrondissant comme des soucoupes, mais je ne peux pas le faire aujourd'hui, c'est trop tôt !

- Tu es préparée depuis seize ans, ce n'est pas trop tôt, a priori, essaya de plaisanter mon informatrice, mais je n'avais pas envie de rire.

Non, cela ne pouvait pas se produire maintenant ! Impossible, non, je ne pouvais pas, je ne pouvais plus !

- Je ne vais pas y arriver. déclarai-je en m'agitant, car la panique prenait complètement le dessus.

- Pour quelle raison tu n'y arriverais pas ? me demanda calmement Edwige.

Son attitude posée tranchait avec mon ton précipité, mes inspirations paniquées. Non, non, je ne voulais plus !

- Je ne suis pas prête, vous comprenez ?! m'écriai-je, je... Je ne veux pas me faire pomper le sang par cette chose ! Je ne veux pas mourir, mais je ne peux pas laisser vivre les Chimères... Oh, Mandragore et Mint seront si déçus ! Non, non, ils me détesteront, ils ne voudront plus me voir, c'est sûr, j'en suis persuadée ! Je suis une très mauvaise personne, une lâche, mais en même temps... Oh, je ne sais même plus quoi penser... 

Mon corps se mit à trembler, et je me levai de ma poubelle renversée, prête à fuir, ma vision floue à cause des larmes qui menaçaient à tout moment de s'écouler. Mon cœur se mit à battre vite, trop vite, mon cerveau disjonctait, incapable de trouver la source du problème. Si j'avais pu, je me serais enfuie à toute vitesse. Personne n'aurait pu me retenir. A cet instant, l'angoisse prenait  totalement le dessus, et il m'était totalement impossible de me reprendre. Ma mission me semblait être comme une gigantesque montagne que je devais escalader, privée de mes pouvoirs ou du moindre instruments. Impossible, je n'en étais pas capable. Je n'en étais plus capable, le sablier s'écoulait de plus en plus vite, comme une alarme qui allait bientôt percer mes tympans. 

Edwige se leva à son tour, le visage tellement serein que je me demandais comment elle faisait. Elle m'attrapa par les épaules, et me fixa de ses yeux d'un marron chaud et rassurant, qui eut le mérité de me calmer légèrement. On aurait dit qu'elle rassurait un enfant quand elle poursuivit : 

- Brume, s'il te plaît, respire. Allez, inspire (elle prit une grande inspiration exagérée, et je l'imitai tant bien que de mal) et expiiiiree ( elle expira de la même manière et je suivis). Voilà, parfait, calme-toi, ma belle.

A force de respirer, à me concentrer pour donner de l'air à tout mes organes vitaux, je finis par me détendre. Mes jambes cessèrent de jouer les castagnettes et mon cœur reprit une allure normale. Mais ma peur subsistait, comme du sucre collant.

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant