Chapitre 36

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- Bruuuume ! cria Armelle derrière moi. 

Je m'arrêtais brusquement, ne sentant plus aucune présence derrière moi. 

Je me retournais, inquiète, mais heureusement, Armelle était juste à quelques mètres de moi, se tenant la gorge, pliée en deux. 

Je marchais rapidement vers elle, les sourcils froncés : 

- Armelle, tout va bien ? 

Elle haleta quelques secondes, et je pus distinguer des gouttes brillantes luir sur son front : elle semblait avoir de la difficulté à regagner une respiration normale, mais pourtant elle me répondit, la voix entrecoupée par de grandes inspirations, pour reprendre de l'air : 

- Tu... Quand tu m'as dit que tu allais vite, j'ai... J'ai pensé que c'était juste vite.

- C'est-a-dire ? 

- Ben... Je ne pensais pas que tu allais faire trembler le sol sur ton passage, quoi. 

Je papillonnais des paupières. J'avais oublié qu'Armelle n'allait pas aussi rapidement que moi, trop omnibulée par cette impression dévorante de liberté. Par contre, je ne me serais jamais doutée que le sol tremblait quand je courais dessus. Pour ainsi dire, je ne le sentais même pas sous mes pieds. J'avais davantage l'impression de voler. 

- Je suis désolée, Armelle... je déclarais, me sentant un peu coupable. 

Elle balaya mes excuses d'un renvers de main, en disant que c'était de sa faute, qu'elle ne se doutait pas que c'était "à ce point-là". Je me mordillais la lèvre, embêtée. 

- Bon. Je suis un peu dans la mouise, moi, s'il y a une Chimère qui arrive. Je ne pourrais pas fuir aussi vite que toi, et je n'ai rien pour me défendre... se plaignit la jeune femme, en se redressant, passant quelques mèches rebelles derrière ses oreilles. 

J'eus soudain une idée. Je sortais mes deux couteaux, et lui en tendait un : Armelle eut un mouvement de recul, et je pris simplement compte de ma bêtise en voyant que je pointait la lame sur elle. Je babutiais de nouvelles excuses. Décidément, j'étais maladroite à un point ! 

- Pardon, j'avais oublié qu'il faut garder la lame au sol, quand on donne un couteau à quelqu'un... Pourtant, Mandragore me l'a répété suffisamment de fois. je déplorais, sans faire attention que j'avais laissé échappé le nom de l'un de mes deux instructeurs. Et vu la tête que faisait Armelle, elle avait très bien entendu. 

- Mandragore ? C'est qui ça ? 

Penaude, je m'évertuais à réfléchir  à toute vitesse.  Aujourd'hui, tout semblait m'échapper... J'avais parlé du bouton, et là je lâchais le prénom de Mandragore le plus normalement du monde. Il fallait sérieusement que je fasse attention. J'avais l'impression que depuis que mon crâne avait heurté la roche et que j'avais revécu ce souvenir d'enfance, les choses m'échappaient de la pire des manières. 

- Mandragore est... L'une de mes deux instructeurs. je finis par avouer : à ma grande surprise, cela me faisait plus de bien que de mal, d'enfin éclaircir ce chapitre de ma vie. 

- Elle... Elle s'appelle vraiment Mandragore ? questionna Armelle, tout en prenant le couteau. 

Elle le soupesa dans sa main, fronça le nez mais finit par le ranger, coincé dans sa ceinture. J'hochais la tête, tout en justifiant : 

- Oui et non. C'est un nom de code, ce n'est pas réellement son prénom. Mais elle a toujours refusé de me le révéler. Et quelque part, je m'en fiche un peu. 

Je mentais, bien sûr. Ou du moins, ça dépendait. Un prénom, c'était une carte d'identité, une origine, une période, c'était pas mal de choses... Et même ça, je n'y avais pas droit. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant