Chapitre 45

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- La SYNE ? C'est quoi, la SYNE ? 

C'était Armelle qui venait de parler. Elle croisa mon regard, peut-être venions nous de mettre à jour ce que cachait Alban. Enfin, je n'y croyais plus. 

En attendant qu'Alban réponde, je m'intéressais à la femme venant d'apparaître avec ses deux acolytes. 

Portant un masque qui cachait la majorité de son visage, je n'arrivais à distinguer que ses yeux, deux billes d'un vert menthe éclatant. Des yeux hautains, et aussi très intelligents. Ses cheveux roux, coupés à la garçonne, retombaient dans un fatras de mèches enflammées. Sa personnalité semblait aussi endiablée que ses cheveux, avec la cicatrice qui lui barrait le front et se perdait vers son nez invisible. Elle semblait récente, et avait une teinte rosée qui ressortait sur son visage tellement pâle qu'il en était presque cadavérique. Curieux pour une Villienne. 

Elle portait un haut gris et un pantalon de toile de la même couleur, salis par la poussière et la terre, ce qui laissait entrapercevoir des conditions de vie plutôt bancales. 

Elle me toisa de haut en bas, je compris qu'elle avait remarqué mon regard intrigué. A vu d'œil, je lui aurais donné une trentaine d'années, bien que des mèches grises striaient déjà sa chevelure, contrastant avec son visage partiellement dissimulé. Pourquoi, d'ailleurs ? Qu'avait-elle à cacher ?

Pour ses deux autres personnes derrière elle, c'était encore pire : de la même taille, leur visage étaient cachés par une capuche, les pieds fermement parallèles au sol. L'une paraissait légèrement moins baraquée que l'autre et avait des formes qui laissaient présager que c'était une jeune femme. 

Déterminés, ils étaient sur le qui-vive, là pour protéger la mystérieuse apparition.

- Alors, mon cher, j'attends. Sinon, je leur raconterai moi-même. Décide-toi. avertit-elle.

Même si je ne voyais pas ses lèvres, je savais qu'elles s'étaient retroussées en un sourire mesquin. 

- De quoi parle-t-elle, Alban ? fit Chioné sur un ton précipité, visiblement inquiète. 

Mais il resta de marbre : ses poings et ses mâchoires étaient contractés, il était furieux contre l'inconnue, qui se contentait de le considérer, les bras croisés sur la poitrine de manière insolente. Ils se connaissaient, et plutôt bien, visiblement, cela ne faisait aucun doute. 

Elle avait parlé de la SYNE. Je n'en avais jamais entendu parler, de toute ma vie. C'était donc quelque chose de soigneusement dissimulé, car toutes les recrues des galeries savaient autant de choses que leurs supérieurs, si ce n'était plus quand elles étaient trop curieuses. C'était le but de leurs fameux discours, d'ailleurs. Nous ressasser ce qu'il se passait en extérieur, nous parler des futures missions, de leurs buts, et en quoi elles allaient pouvoir aider la communauté. 

Chaque fois qu'ils me parlaient des Villes, je sentais tout mon être rebondir, en imaginant la nature, la vie dehors. Cette vision m'appelait, tout le temps, peuplait mes rêves. L'idée de rester enfermé durant toute ma vie dans des galeries souterraines à l'écart, certes protégé, mais prisonnier, m'était insupportable. Cela avait été la raison de mon départ.

En y repensant, j'avais fait preuve d'une stupidité incontestable, à proposer ma candidature, sans aucunes scrupules. Je n'en revenais pas de ne m'être posé aucune question, c'était si peu habituel de ma part. D'ordinaire, j'analysais absolument tout, quitte à ne pas savoir que prendre comme décision, devant les possibilités qui s'offraient à moi. Pour celle-ci, j'avais foncé, poussant toutes les barrières invisibles sur mon passage, pour me jeter sur un vulgaire crayon, et marquer mon prénom sur une feuille de papier. Je me demandais ce qu'il se serait passé si je n'avais pas vu l'information sur le tableau en venant chercher Armelle. Si je n'étais pas parti plus tôt, pour ne pas voir Grog, si j'avais décidé, de couper par la cantine et de manger sans ma sœur, comme cela me prenait, de temps en temps. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant