Chapitre 43

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C'était fou, quand on était haut, on avait souvent l'impression que notre but était si proche !

Alors que là, cela faisait précisément une heure que nous marchions dans... comment décrire cette texture ? Une sorte de sable, mélangée à une boue immonde qui collait au pieds. Grog manquait de tomber tant elle était collante, et Brume suivait son exemple. Nos deux maladroits s'empêtraient de plus en plus dans la matière gluante, et sale, qui plus est. 

Quand nous contemplions pour la première fois la Ville, j'avais été étonné par la forme presque géométrique de celle-ci : elle ne dépassait pas d'un pouce, formant un cercle parfait, et fermement close grâce à un cylindre de verre qui grimpait jusqu'au ciel. 

Sans doute pour empêcher les Chimères d'entrer, mais malheureusement, ça les empêchaient aussi de sortir. 

Je me demandais comment nous serions accueillis, comment Alban allait gérer la situation, et surtout, si j'allais en découvrir plus sur cette mission, tellement embrumée par un parfum de mystère. 

De toute façon, mon but était de découvrir le fin mot de cette affaire, aidée d'Armelle, bien sûr. 

Je l'évitais un peu, pour être honnête. J'avais eu du mal à digérer ses paroles, concises et claires, peut-être même trop. Mais me connaissant, et la connaissant, nous savions tout deux que j'avais repris mon bon vieux réflexe, c'est-à-dire m'isoler pour réfléchir. J'étais quelqu'un qui avait besoin de calme, après une dispute, avant de repartir à l'aventure. Si certains voulaient régler leurs comptes en quelques secondes, ce n'était pas mon cas. Il fallait laisser le temps au feu de s'apaiser, c'était plus moi. 

"Maman faisait exactement la même chose", me surpris-je à penser. 

J'écarquillais les yeux, estomaqué : cela faisait bien longtemps que je ne m'étais pas comparé à l'un de mes parents, où même, avais-je eu une pensée aussi soudaine à leur égard. 

En général, dès que ce genre de phrases montaient à mon cerveau, je la frappais violemment pour qu'elle rejoigne au plus vite le fin fond de mon esprit, et qu'elle n'en ressorte plus.

Je ne voulais pas réveiller des souvenirs, qui de toute manière faisaient partie du passé. Non. Ce n'était juste pas admissible de penser à maman et papa, maintenant. 

Je serrais les poings, et concentrait mon regard sur Armelle. Elle marchait paisiblement, insensible à la boue qui ralentissait notre progression, parlant avec Grog joyeusement. Une étincelle d'une émotion que je ne connaissais pas naquit brutalement, me tordant l'estomac.

De la jalousie. 

La jalousie ? Non, impossible. C'était ridicule. Je ne pouvais pas être jaloux d'Armelle et Grog, enfin. Surtout pas après avoir affirmé à l'intéressé qu'il n'aurait pas ce genre de problèmes avec moi. Je n'étais pas si immature, quand même !

Choqué par mes réactions étranges, je n'entendis pas Brume arriver derrière moi et se placer à ma gauche, ayant l'air de peiner à garder l'équilibre, son sac pesant derrière son dos comme un enfant. 

- Salut ! 

Sa voix était joyeuse, et je me surpris à penser que c'était l'une des première fois où elle venait m'adresser la parole de son propre chef. 

Sa voix eut le mérite d'effacer les visages souriant de mes parents et le curieux sentiment qui m'avait envahi. Je tâchais de sourire, mais je pense sincèrement que cela ressemblait davantage à une grimace. 

- Salut Brume. Comment ça va ? 

Pitoyable. Vraiment. Je me retenais de lever les yeux au ciel devant ma propre incompétence. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant