Projet Earth (en réécriture)

Chapitre 78

- Elle est dans le grand hall ! Chioné et Eléos y sont déjà, mais... Il fallait que je vous prévienne ! 

Oui, il fallait qu'elle nous prévienne. 

L'inquiétude me rongeait comme de l'acide sulfurique. Occupé par l'état de Brume, j'en avais presque oublié Armelle, et la culpabilité ressortait, à présent. Une boule d'angoisse m'obstruait l'œsophage, m'empêchant de respirer correctement. Tant que je n'aurais pas revu ma sœur, il me serait impossible d'être un minimum serein. L'imaginer, avec son visage en sang, son œil fermé, à la merci de cette vipère d'Annabelle, ça me retournait l'estomac. 

Apparemment, la cheffe de la SYNE voulait "uniquement" parler. Mais au vu des circonstances, et aussi part le fait que je ne sache pas si le poison avait fonctionné ou pas, si nous étions débarrassés des Chimères, je ne pouvais pas me permettre la moindre erreur. Sans compter que ça me paraissait étrangement pacifique. 

L'adrénaline, philtre puisant et salvateur, courait dans mes veines comme le plus endurant des marathoniens, et c'était lui qui me permettait de garder une allure convenable dans les couloirs interminables de l'immeuble. 

Malgré moi, je jetais un coup d'œil soucieux dernière moi : Brume m'avait accompagné malgré les protestations de ces instructeurs, qui la guettaient comme si elle allait disparaître dans la seconde. Elle marchait d'un pas vif, mais ses bandages blancs lui donnait un air fragile qu'elle ne semblait pas apprécier. Sans parler du fait qu'elle était livide. J'aurais moi aussi préféré qu'elle reste à l'abri sur le matelas, mais... elle n'aurait jamais voulu. Dès qu'elle a entendu le prénom d'Armelle, ça lui a autant fait écho qu'à moi. Toutefois, j'étais légèrement rassuré par le fait qu' elle semblait se sentir bien mieux que précédemment.

Même si elle me sourit en voyant que je la regardais, je notai que ses yeux étaient sombres, comme si une pensée la distrayait, quelque chose qu'elle ne parvenait pas à expliquer. J'interprétai cela comme sa non-réponse à la question que j'avais posée à ses deux instructeurs. Amaryllis ayant débarqué, ils n'avaient pas eu le temps d'esquisser la moindre forme d'affirmation. 

Je soupirai : quelle galère... J'avais l'impression que peut importe ce que nous pouvions accomplir, il y avait toujours quelque chose qui nous bloquait le passage, comme un mur qui réapparaîtrait à chaque obstacle franchi. Ereintant. 

L'échéance semblait approcher, sans que je sache exactement en quoi elle consistait. Qu'allait-il se passer, à présent ? Le combat entre la SYNE et l'institut Gaïa semblait inévitable. Mais est-ce que celui entre les humains et les monstres de Mars était bel et bien terminé ? Cela semblait facile, trop facile... 

Je sortis de mes pensées en voyant que j'étais arrivé à destination. Je me figeai, et mes pieds stoppèrent leur course d'un seul coup. La détresse qui étreignait mon être se relâcha soudainement, et je retins de justesse une exclamation.

Un œil d'un marron brûlant, volcanique, même, venait de croiser les miens. Je m'immobilisai, incapable de bouger, une pression se faisant sentir au creux de mes côtes. Je ne voyais rien, mis à part ça. 

- Armelle ! m'écriai-je sans pouvoir me retenir, avant de me précipiter aux côtés de ma sœur.

Des larmes jaillirent aussitôt de l'œil de ma grande sœur, alors qu'elle baragouinait mon prénom sans avoir l'air d'y croire. Elle se jeta dans mes bras, ou plutôt s'écroula contre moi, son visage aussi blême que la mort. 

- Wings... Wings... répétait-elle en sanglotant, me serrant contre elle comme si je venais de revenir d'entre les morts. 

Je ne l'avais jamais vu dans cet état, c'était inédit. Je n'eus pas le temps de m'y attarder plus longuement, car elle se redressa presqu'aussitôt en inspirant bruyamment pour reprendre contenance, sa respiration sifflante.