Chapitre 61

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- Mais... où est passée Brume ? murmura Amaryllis en se rapprochant de moi pour que les gardes n'entendent rien. Toutefois, leurs regards prouvaient qu'ils étaient méfiants et aux aguets. 

J'haussai les épaules, ne sachant pas plus qu'elle la réponse. 

Pourquoi était-elle partie ? Bon, ce n'était pas qu'elle avait clairement dit qu'elle resterait jusqu'à nous voir ressortir, mais son regard suffisait pour le comprendre. 

Une bouffée d'inquiétude m'envahit brusquement : et s'il lui était arrivé quelque chose ? 

Je me morigénai immédiatement : non mais, Brume était une grande fille, elle savait défoncer le crâne des Chimères avec l'ongle de son index, je n'allais pas me mettre à faire des hypothèses abracadabrantes sous le seul prétexte qu'elle ne nous avait pas attendus. 

Amaryllis réfléchit quelques secondes, puis soudain, fit un "Ah mais ouiiiii !" tout haut, comme si elle venait de se souvenir de quelque chose, les yeux grands ouverts. Etonné, je ne résistai pas quand, sans un regard pour les gardiens qui nous observaient d'un air perdu, elle se précipita dans la cage d'escalier sa tresse rebondissant dans son dos comme une vague en m'entraînant avec elle. 

Elle me maintient le poignet pendant plusieurs secondes, et bien que ce fut très désagréable, je la suivis, me demandant bien ce qui lui passait par la tête. Elle dévala plusieurs étages, et nous bousculâmes sans réserve plusieurs adolescents, qui nous fusillèrent du regard, tout en clamant que décidément, tout le monde était pressé, aujourd'hui. 

- Amaryllis, tu pourrais ralentir, s'il te plaît ? je m'exclamai, exaspéré par sa réaction sans ni queue ni tête. Qu'est-ce qui lui prenait ? 

- Deux secondes, Face de Cadavre, m'intima-t-elle sans se retourner. 

Je me retiens de lever les yeux au ciel à la mention de mon surnom, avec l'impression désagréable impression d'être un véritable sac qu'Amaryllis traînait derrière elle. Je continuai à courir à sa suite, en manquant plusieurs fois de trébucher. Mais nous allions tellement vite que je n'avais même pas le temps de tomber. 

Finalement, nous arrivâmes devant la porte du Dortoir. Amaryllis me tira violemment à l'intérieur, et je lâchai un glapissement de mécontentement : j'avais l'impression d'être une poupée, et elle un enfant qui tyrannisait ses jouets. 

A l'intérieur, il n'y avait Eléos, toujours caché derrière son masque, ainsi que Chioné, assise près de lui. Les deux se défiaient du regard, mais aucun ne parlait. Quant à Armelle et Grog, ils nous avaient annoncé un peu plus tôt qu'ils partaient visiter les environs, histoire de s'acclimater à l'endroit. Amaryllis n'y avait vu aucune objection, et leur avait simplement conseillé de ne pas sortir et d'éviter les balcons (tu m'étonnes) ainsi que l'Interdit, bien sûr. 

Il y avait quelque chose qui se tramait entre ma sœur et Grog, depuis quelques jours. Déjà, leurs yeux brillants de joie lorsqu'ils s'étaient retrouvés sur le toit, et aussi le fait qu'ils soient collés l'un à l'autre vingt quatre heures sur vingt quatre. Armelle avait beau se moquer de moi avec Brume, je n'étais pas aveugle ni idiot : les deux s'étaient rapprochés, et ça ne m'étonnerait pas qu'ils annoncent bientôt qu'ils sortaient ensemble. Ou alors j'étais vraiment nul en déductions ou en cette croyance incompréhensible appelée communément amour. 

Je me demandai ce que cela me ferait, si cela devait se produire : sans doute que ça me ferait bizarre, mais en vérité... Je devais bien avouer qu'ils allaient bien ensemble. Armelle était vive, endiablée, une explosion de bonne humeur et d'émotions. Elle était incapable de dissimuler ses sentiments, et les affichaient haut et fort, que ce soit de la fureur, de la tristesse ou de la joie. Grog, curieusement, tempérait ma sœur, et était bien moins bête que je ne l'aurais présumé au départ. Je le voyais avec un cerveau de moustique, un golem sans cervelle, et je m'étais bien trompé. Durant les trois jours que j'avais passé avec lui, j'avais découvert un garçon sensible, intéressant, cultivé, bien loin du géant costaud à l'air idiot. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant