Chapitre 53

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- Qu'est-ce donc que cette chose ? je m'enquis, en touillant avec ma fourchette l'amas de viande brune accompagnée de légumes. Les sourcils froncés et le nez plissé en une moue dégoûtée, j'évaluais la possibilité que cette chose termine dans ma bouche. Pour l'instant, elle était proche de zéro. 

- De la viande et des légumes. C'est meilleur que cela en a l'air, commenta Amaryllis, assise en face de moi, qui de son côté ne semblait pas avoir le moindre problème avec l'aspect de la nourriture. 

Nous avions retrouvés les jumeaux dans le dortoir, grande pièce où s'étalait des centaines de matelas plus ou moins propres, ainsi que des effets personnels cachés sous ceux-ci, pour dissimuler des trésors. Avec ma vision, j'aurais pu découvrir toutes les cachettes et les voler sans le moindre pépin, mais bien sûr cela ne me viendrait jamais à l'idée. 

Nous nous étions installés près de cinq lits côte-à-côte, n'ayant pas le choix, car nos sacs posés dessus ne nous laissaient pas spécialement le choix. Par réflexe, j'avais vérifié que j'avais bien tout ce qu'il fallait dans mon sac, et que personne n'y avait fouillé. Fort heureusement, il était complet. 

Amaryllis ne dormait pas dans le dortoir : la jeune fille étant claustrophobe, elle ne supportait pas de s'allonger dans le noir le plus complet, et dormait donc dehors, sous sa propre sécurité. "Risqué mais nécessaire" nous avait-elle simplement annoncé lorsque Chioné l'avait dévisagée.

J'avais bien sûr gardé mes couteaux sur moi, par sécurité, et m'étais changée, troquant mes vêtements sales par des nouveaux, ceux des Villiens, les mêmes qu'Amaryllis et Eléos. 

Nous avions aussi tous pris une douche, ce qui n'était pas du luxe vu l'état de crasse dans lequel nous étions. Moi qui, sur l'astéroïde, avait l'habitude d'une douche chaude par jour, j'avais dû prendre sur moi pour supporter l'eau froide, et aussi les douches publiques... Honnêtement, ça m'avait presque traumatisée, et j'espérais arriver à développer une technique pour la prendre seule. Dans ce genre de situation, ça pouvait paraître capricieux, mais c'était vraiment au-dessus de mes forces. Tout ces gens... En plus, nous étions si nombreux !

Moins de filles que de garçons, je l'avais remarqué. Elles étaient toutes très différentes, mais avec leur nez en l'air et leur air d'avoir envie de tuer quelqu'un, je préférais ne pas trop m'en approcher. Avec Armelle, Chioné, Amaryllis et moi, je crois que nous n'étions que douze, pour vingt huit garçons, y compris Wings, Eléos et Grog. Dans ce Dortoir, bien sûr, mais il y en avait énormément. 

D'ailleurs, les Villiens, Amaryllis et Eléos mis à part, nous avaient tous dévisagés avec une lueur de dégoût ou de méfiance dans le regard, ce qui ne m'avait pas rassurée. Je ne comprenais pas pourquoi ils avaient autant de haine envers les galériens, qui après tout n'étaient pas si diaboliques, à ce que j'avais pu comprendre. 

Je me reprenais aussitôt  : je parlais comme si j'en étais une, or ce n'était pas du tout le cas. J'étais carrément une extraterrestre redevenue terrestre, ce qui me mettait dans une autre case. Cela dit, je remarquais qu'il me faisait plaisir de voir que pour la plupart des Villiens, j'étais une galérienne à part entière. J'avais l'impression d'être totalement normale, même si mes amis savaient tous qui j'étais. 

Avec Amaryllis et Eléos (qui apparemment étaient remontés comme des pendules après leur rendez vous forcé avec le fameux Thanatos), nous nous étions rendus dans la salle à manger (pardon, le réfectoire, selon Amaryllis, encore un mot que je ne connaissais pas...), celle que nous avions quitté quelques minutes plus tôt. Alban et ses secrets s'étaient éclipsés en même temps. Je n'avais pas pu m'empêcher de fixer sa silhouette large, qui semblait porter tous les poids du monde sur ses épaules. Quelque chose paraissait lui peser profondément depuis notre arrivée dans la Ville. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant