Chapitre 79

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Je ne pouvais pas y croire. 

Ce n'était pas possible. 

Annabelle ne venait pas de tuer cette personne, c'était impossible. Ce genre d'acte, gratuit de malfaisance, monstrueux, ça n'existait que dans les livres, dans les films, dans n'importe quoi...Mais pas dans la réalité, pas ici, pas dans la Ville, pas devant moi ! Cette femme ne pouvait pas être morte, d'un coup de couteau en pleine gorge. Elle ne pouvait pas s'être effondrée, sans vie, tel une poupée de chiffon inactive. 

A quelques mètres à peine de la vieille femme, de violents spasmes parcourant mon corps, je me forçai à rester la plus droite possible, contemplant du coin de l'œil l'hémoglobine qui s'écoulait de la trop large blessure, formant un contraste horrifiant avec le carrelage. J'avais envie de vomir, de pleurer devant ce déchaînement de violence. Je n'avais jamais été directement confrontée à la mort jusqu'à présent, sauf pour ce pauvre garçon décapité par le monstre de la SYNE. Mais je ne m'y étais pas attardée, trop affolée par l'urgence de la situation. Là, j'avais eu tout loisir de regarder, de voir le fil être brutalement coupé, et la marionnette s'effondrer. 

Quand un soldat au charbon d'argent manqua de me transpercer lui aussi, avec son poignard, je compris rapidement qu'il était temps de me réveiller. Je me pris à me demander pourquoi aucun d'eux n'avaient d'armes à feu, avant de me souvenir que c'était bien trop dangereux. Le bâtiment était déjà si abîmé, que la moindre onde de choc ou une balle perdue serait fatale. Et nous retrouver tous six pieds sous terre n'était pas un futur que je concevais. 

Je relevai la tête : l'homme, âgé d'une quarantaine d'année, le visage indéchiffrable, ne semblait pas connaître la pitié, ou alors ne voulait pas l'envisager. Je n'arrivais pas à y croire, il y avait forcément un humain, là-dessous, non ?

Je parai le coup de couteau : sa technique n'était pas mauvaise, mais sa défense était d'une nullité absolue. Il ne fut donc pas difficile pour moi de bloquer ses coups, agitant les bras tellement rapidement sous ses yeux qu'il finit par lâcher un cri de rage.  

Je lui fauchai les deux jambes, et il tomba sur le dos, le souffle coupé, à ma merci. Je lui fichai un coup de poing en plein nez, et un deuxième pour faire bonne mesure. 

J'enchaînais ainsi plusieurs gardes de la SYNE, aussi peu vivace qu'un robot. Je ne voulais pas réaliser, je ne pouvais pas réaliser. J'avais tout sauf envie de frapper des gens, et pourtant, j'y étais obligée pour me défendre. Mais dans ce cas, quel était le but, à eux ? Obéir stupidement à Annabelle en espérant quoi, au juste ? Une meilleure vie ? Elle était déjà fichue. Alors quoi, qu'est-ce qui les motivaient tous, à la fin ?!

Remplie de colère et d'incompréhension, je redoublai d'efforts. Je commençai vraiment à fatiguer, mon corps se plaignait de ce brusque regain d'énergie qui parcourait mes veines. 

En levant les yeux un bref instant, je me rendis compte avec horreur que le plafond commençait à doucement se fendiller. Je serrais la mâchoire : il allait falloir sortir d'ici sous peu, sinon nous finirions tous écrasés sous les décombres. Cet édifice avait déjà bien trop vécu. 

Me battant en même temps avec une gardienne beaucoup trop déterminée, je cherchai Wings du regard : 

Je finis par le trouver, non loin de sa sœur, qui venait d'achever de dénouer les liens de Grog dans la cohue. Quant aux deux jumeaux, ils exerçaient une défense bancale autour des trois galériens, enchaînant maladroitement les coups pour empêcher les membres de la SYNE d'avancer. Mais à deux contre cinq, ils n'allaient pas tenir longtemps, et encore moins contre des adultes pleins de muscles et entraînés  

Je continuai mon analyse visuelle, et dénichai mes deux instructeurs : Mint se battait contre le dernier chef de SYNE encore en vie ; ce dernier était un vrai acharné, et ses deux longues barres métalliques aux bords tranchants effleurant dangereusement le corps de mon instructeur ne me rassuraient guère. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant