Chapitre 20

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-"De quoi parles-tu?" lui demandai-je confuse. -"Tu ne m'as pas touché ce soir-là," murmurais-je, les yeux dans le vague, espérant de me rappeler de cette soirée.

Pourtant, seuls les coups me revinrent. Puis, plus rien! On dirait que mon cerveau avait volontairement effacé le reste! Mais, c'était impossible! Non, il n'avait pas osé! Il mentait!

Secouant énergiquement la tête, je reculais farouchement, perdue dans mes pensées, mes jambes devenant cotons. Tout ceci me dépassait! Toute cette histoire dépassait la réalité!

-"Ne te souviens-tu plus de tes cris de cette nuit? Tu en redemandais encore, je m'en souviens maintenant mais on dirait que ce n'est pas le cas de tout le monde," continua la voix mesquine de Conrad qui résonna comme une moquerie à mes oreilles.

Mes yeux croisèrent aussitôt les siens,  ses aigres-marines identiques à ceux de mes filles. Elles aussi avaient des lèvres aussi fines que lui et la même couleur de cheveux. Cette même chevelure de jais. Cette même façon de faire des blagues comme lui. Le même sourire mesquin lorsque je les prenais en surprise lorsqu'elle jouait avec mon maquillage. Mais par dessus tout, ce qui me troubla le plus chez Conrad fut cette façon unique de me dévisager que je demeurais interdite.

Ses yeux bleus me paralysaient, m'empêchaient de le fuir. Aucun son ne pût sortir de ma bouche malgré que je l'ouvris. Perçant, ses aigres-marines me scrutèrent, une étincelle brillant au fond de ses iris bleutées qui ne présageait rien de bon.

-"Tu mens," parvenais-je à lui asséner d'un murmure inaudible, la gorge asséchée, alors que je sentis mon coeur cogner contre ma poitrine à un rythme inquiétant dès qu'il me sourit. 

Comme ressentant mon désarroi, Amélie resserra son emprise autour de ma nuque me ramenant durement à la réalité. À cette réalité dont Conrad me confrontait et non à cette réalité mensongère dont je croyais la vérité!

Pouvait-il être le père de mes filles?

Si c'était bel et bien lui, pourquoi ne me souvenais-je point alors?

-"Et bien, frangin, tu es allé fort en lui mentant. Mais après tout, tu l'as toujours fait. Tu as toujours menti et les habitudes ne changent jamais, n'est-ce pas?"

-"Je vais te tuer!" rétorqua l'aîné des jumeaux Hadès d'une voix méconnaissable en s'avançant vers son frère qui s'était relevé.

-"Tu l'as déjà fait, grand frère," murmura Conrad, haussant négligemment les épaules avant que la sécurité s'interposa entre eux, prenant avec elle, Conrad qui ne se débattit pas pour une fois.

-"Maman?" me demanda subitement Amélie s'accrochant à moi telle une noyée à une bouée de sauvetage.

-"On y va," lui dis-je, avec un sourire rassurant sachant pertinemment que cette dispute l'avait perturbée tout comme les paroles de Conrad qui résonnaient continuellement dans sa tête autant que la mienne comme une affreuse mélodie dont je n'arrivais plus à effacer.

-"Becca," souffla cette voix puissamment rauque que je dus me retourner lorsque son souffle chaud percuta de plein fouet le cou.

-"Ce serait préférable que je retourne chez moi comme tu l'as dit," lui rappelais-je.

-"Je veillerai auprès d'Amalia cette nuit. Ne t'inquiète pas,"

-"Ce n'est pas de cela que je m'inquiète," lui avouais-je en lui désignant par le menton la porte d'où venait de sortir Conrad.

-"Ses paroles sont dénoués de sens. Je crois même qu'il n'y a plus rien à faire pour lui maintenant," admit Connors, dépité, lassé de cette rivalité qui les avait tous les deux détruit.

Impardonnable Tome DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant