Chapitre 68

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Je donnerais cher rien pour retourner en arrière.

Rien que pour changer ce jour.

Rien que pour éviter ce drame.

Une douleur lancinante transperça mon coeur. Elle me coupa le souffle, ravivant des sentiments enfouis que j'avais enterrés. L'impuissance, le regret, la tristesse...

Un tumulte de sentiments me tiraillait lorsque son corps tomba sur le mien.

La balle ne m'avait pas atteinte.

Du moins pas physiquement.

Toutefois, malgré le fait que je ne fus pas blessée, ce n'était pas pour autant que mes yeux s'emplissaient de larmes et que mon corps fut secoué d'incontrolables spasmes.

Voir son corps tomber lourdement sur le mien, ressentir ses sentiments auparavant inébranlables mais désormais contradictoires bravant l'interdit qui comprimaient ma poitrine, reconnaître la personne qui me terrorisait se mettre devant moi tel un bouclier, me protégeant, je priais intérieurement que tout ne fut qu'un mauvais rêve et que j'allais bientôt me réveiller.

Malheureusement, ce n'était pas un rêve.

Dès que je pus enfin me dégager, j'aperçus ses cheveux corbeaux, ses traits autrefois cauchemardesques et si familiers, ses aigues-marines scintillants et ce sourire d'habitude cynique qui avait perdu de son éclat mais qui cependant n'en demeurait pas moins espiègle.

Un tumulte d'émotions m'assaillit à ce moment.

La raison m'avait échappé devant son geste.

Était-ce suicidaire, héroïque ou bien amoureux?

Tant de questions sans réponse.

Ce fut ce que je m'étais convaincue alors qu'au tréfonds de mon âme, je connaissais pertinemment la réponse.

Pourtant, ses sentiments conflictuels m'empêchèrent d'y voir clair.

-"Conrad!"

Je hurlais désespérément son prénom.

Toutefois, un silence mortuaire me répondit.

Le brouhaha qui autrefois nous entourait devint un bourdonnement à mes oreilles.

En un claquement de doigt, nous nous retrouvions plongés dans un silence pesant.

Un silence glacial nous entourait.

J'oubliais où nous nous trouvions. J'en oublais même Elena.

-"Non..." murmurais-je, les larmes aux yeux avant d'entendre son souffle haché mélangé à mon souffle bruyant.

Je reçus ce signe comme un regain d'espoir.

Peut-être allait-il survivre?

Peut-être que ce n'était pas trop tard.

Tremblotante, je dégageais ses cheveux de jais qui barraient son front.

-"Conrad," murmurais-je, soulagée.

Pourtant, il ne me répondit pas.

-"Je t'en supplie, répond moi, Conrad," répliquais-je, prenant son visage dans mes mains.

Ses yeux bleus s'ancrèrent aussitôt aux miens, ne me lâchant plus. Son souffle fut irrégulier tandis que sa main remonta vers son torse.

Ce fut avec horreur qui je constatais l'état d'où il se trouvait. Son torse saignait abondamment, la balle s'y étant logée. J'avais beau appuyer dessus pour limiter l'hémorragie néanmoins rien n'y fit.

Impardonnable Tome DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant