Chapitre 37

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J'avais écouté mon père sans broncher pour une fois. Si je m'y attendais à ce qu'il fut franc avec moi serait un mensonge. J'aurais cru qu'il allait encore une fois m'embobiner avec une série de mensonges. Toutefois, ce ne fut point le cas et je devais l'admettre, cette vérité était dure à encaisser. Plus dure que je ne le croyais.

Ses yeux étaient rougis tandis que les miens furent larmoyants, prêts à déborder. Au début, je l'avais écouté, lui faisant tête, les bras fièrement croisés sur ma poitrine, croyant dur comme fer que plus rien n'allait me bouleverser ou bien même me choquer après cette matinée horripilante et la visite nocturne de Conrad. Néanmoins, au bout d'une dizaine de minutes, ce semblant d'arrogance disparut aussitôt. Les paroles de mon père m'avaient marqués et le tremblement de son corps et ses yeux si profonds, si sincères qui n'arrivaient pas à me regarder en face me laissèrent sans voix.

-"Je ne voulais pas que tu te souviennes de cette nuit, ma chérie," répéta-t-il, les traits marqués par la tristesse, secouant sa tête négativement avant de me regarder enfin. -"Si j'avais su..."

Je ne pus rien dire, laissant sa phrase mourir dans l'air. Je n'arrivais plus à sentir le poids de son regard pesant sur moi, empli de remords. C'était si facile de le juger mais me mettre à sa place s'en était complètement différent. Je croyais que c'était aisé mais non. J'ignorais ce qu'il ressentait et le voir dans un tel état me fit mal.

J'aurais dû savoir que cette nuit l'avait aussi bouleversée au lieu de constamment me centrer sur ma petite personne et rejeter tout ce qui me tuait de l'intérieure sur le peu de personnes que je considérais comme ma famille et qui m'avaient toujours soutenu peu importe les situations alors qu'elle aussi en souffrait également de cette nuit qui nous hantait tous finalement.

Leur casser du sucre sur le dos ne faisait que leur ajouter plus de peine et de culpabilité qu'ils en avaient déjà. De plus, le mal était déjà fait et le mieux à faire fut de continuer comme me l'avait gentiment conseillé Connors.

Plus facile à dire qu'à faire. Cela me paraissait insurmontable, avec le doute sur la paternité, un tueur en cavale, un amour renaissant de ces cendres et la douleur vivifiante d'être salie qui ne me quittait plus. Au moins, la bonne chose était que Conrad serait bien loin maintenant. Si, bien sûre, Rosalie n'intervenait pas, même si c'était quasiment impossible qu'elle n'ajouta point son grain de sel, matière qu'elle excellait d'une main de maître!

C'était compté d'avance que je n'allais pas pouvoir y compter dessus. Dormir sur mes deux oreillers serait malheureusement impossible cette nuit. Rosalie tenterait bientôt de sortir son fils, son chouchou, au détriment de sa famille. Était-elle plus folle que son fils ou bien était-ce tout simplement de l'amour maternel?

Que dire!

Pourtant, ne voyait-elle pas qu'il irait davantage plus mal en le laissant en liberté?

Conrad n'arriverait jamais à se contrôler ou à guérir si Rosalie cessait ses traitements constamment. Pire, son état allait s'empirer si ce n'était déjà le cas!

-"Je sais que c'est horrible de t'avoir menti pendant cinq ans. Après tout, les filles ont grandi sans un père par ma faute, pourtant c'était le mieux à faire. Je ne voulais pas qu'elles aussi subissent la folie de Conrad," continua mon père, me sortant de mes pensées. -"Je voulais vous protéger,"

Je me tus, le laissant continuer, me remémorant de cette nuit et mon réveil à l'hôpital, les marques de Conrad sur ma peau, mon cou violacé et mon corps d'ecchymoses, perturbée, gisant sur le lit, croyant ma dernière heure arrivée.

-"Papa..."

Il s'arrêta à ma supplique. Son regard croisa le mien instantanément. Comprenant que c'en était trop, il se tut lui aussi avant de soupirer bruyamment.

Impardonnable Tome DeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant